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Au rive gauche
26 octobre 2011

Ne dites pas à ma mère que je fais de la publicité, elle me croit…

"Son air triste l'avait bouleversée. Depuis toujours, elle avait cru que lui, son père, était un homme solide, prêt à garder sa fierté, à ne pas perdre la face. EtTragédie-provinciale-livre elle l'avait vu désemparé, avec l'apparence d'un homme détruit. Sombre et humblement silencieuse, elle s'assit près de Guitèlè et de la mère de son fiancé et entendit cette femme à la vue basse se défendre de faire des médisances sur sa cousine Ida Shpolianski qui vivait dans la même capitale de la Province qu'elle et y trompait son époux. Elle commença à raconter qu'elle-même avait vu un jour Ida au théâtre en compagnie d'un officier et d'un étudiant de Polytechnique, mais se reprit et voulut atténuer: "C'était quand même un personnage très connu, Ida, et son mari Abram était certainement quelqu'un de très bien. Il faisait des affaires, paraît-il, avec l'Intendance, et n'était pas chez lui pendant des mois. Mais leur maison... Leur maison, à ce qu'on disait, était au goût du jour... Tout ce qu'il y a de libre..." Autour des grandes tables servies, illuminées d'innombrables bougies, les invités reprenaient déjà place après les ablutions d'usage. Aussitôt après la bénédiction sur le pain, leurs visages prirent une expression souriante de fin de shabès, ils se mirent à porter des toasts, parler, entrechoquer leurs verres, boire à nouveau et continuer de converser. Le bavardage simultané de soixante bouches en train de mâcher et de boire n'empêchait pas Mirl de se sentir à nouveau seule, de penser à la grande capitale de la Province où, elle allait vivre avec Shmoulik, dans trois ou quatre pièces, et de se représenter la rue où elle était allée autrefois, encore enfant, avec reb Guedalyè… Quant à Yankev-Yosl, le jovial père du fiancé, il avait bu avec obstination, comme s'il voulait noyer la pensée qu'il avait conclu un contrat de mariage avec un malheureux venant de faire faillite... Il tapait sans cesse sur la table, la lumière baissa qu'il continuait de taper, sans se tourner une seule fois vers reb Guedalyè et de crier : - Monsieur le rabbin Avreml ! J'ordonne qu'on boive ! Mirl était toujours assise à l'autre bout de la pièce et se taisait… Quand elle s'éveillait de tels instants, elle se disait qu'il était peu probable qu'elle se marie jamais avec ce Shmoulik…, c'est pourquoi il était ridicule de se réjouir de ces fiançailles, tout comme était ridicule d'arborer cette robe neuve de soie grise…" David Bergelson

Secrets-de-famille-filmLorsque, comme je l'ai déjà écrit, j'entrepris un certain travail d'éveil et d'éducation militants en direction de quelques jeunes (fin 90 et début des années 2000) je me retrouvai exposé face aux mères et non aux pères de ceux-ci. Ainsi qu'on aurait pu le penser. Non pas seulement parce que ces lycéens ou étudiants n'arrivaient pas à quitter d'eux-mêmes le giron maternel. Tout au contraire, dirai-je. Mais, conformément à une tendance qui ne faisait que se confirmer depuis un certain temps déjà. À l'instar de ces sportifs triomphants, qui reçoivent leur trophée entourés de celles qui leur donnèrent le jour ! Ou encore, conformément à ce que Lucien Israël le psychanalyste spécialiste de l'hystérie écrivait : "si une mère veut se garder son fils à vie, qu'elle en fasse un curé !" Une forme de célibat forcé qui n'est pas sans poser de problèmes aux membres du clergé, ainsi que la chronique des affaires pédophiles nous le révèle régulièrement. Mais ceci nous éloigne de notre propos ! idylle-en-exil
Mon correspondant du jour (lire encore) avait, on l'aura compris, ce genre de problématique maternelle à rallonge. Qu'il n'était, en réalité, pas pressé de dénouer, contrairement à sa jeune sœur qui l'avait résolue depuis bien longtemps déjà. Ceci expliquant cela probablement. Atteints plus ou moins du même syndrome, tous ces jeunes correspondants n'avaient certes pas perdu leur père.
Comme c'est le cas d'Alfred le héros de la trilogie "Étincelles dans l'abime" ci-contre de Soma Morgenstern (voire Le fils du fil prodigue blog du 22/10) ou de quelques autres plus célèbres encore, tels que Sartre, Camus etc. . Mais "c'était tout comme…", ainsi qu'on le dit chez moi. Soma Morgenstern fait partie de ces auteurs qui vont compter dans mon existence. "Trop longtemps méconnu", ainsi que le dit son éditeur français, cet écrivain viennois nous conte par le menu des histoires que l'on peut qualifier de juives. Mais, en réalité, que l'on retrouve partout, dès l'instant où les pratiques religieuses s'insinuent "sournoisement" dans la vie quotidienne, ainsi que dans les rapport entre membres d'une même communauté. Pétrie de contradictions, la religion dans laquelle Alfred le héros n'a pas grandi, l'amène à faire le grand écart. Position très inconfortable qu'on ne peut tenir très longtemps !
En revanche, c'est par un pur hasard que je tombai sur un des rares livres de David Bergelson (cité plus haut) traduits en français.testament-du-fils-prodigue-livre Né en Ukraine, cet écrivain nous transporte dans un univers où les relations entre les membres d'une même famille provinciale sont des plus obscures dans leurs motivations et formellement tendues. Fille unique, Mirèlè rompt ses fiançailles avec le garçon qui lui est promis depuis 4 ans. Et elle se ballade ostensiblement au su et vu de tout le monde tous les soirs, avec un "boiteux" avec qui rien n'est envisageable. L'incident est sur toutes les lèvres, enfle au point de devenir la rumeur qui court. Autant dire que notre bonne Mirèlè n'est pas prête à se marier, sans toutefois se le dire.
Au fond, il y a une totale égalité des sexes tant que les relations parents enfants ne sont que platoniques, tabou de l'inceste oblige. Celles que perçoivent les enfants. Mais, du point de vue de la puissance paternelle, au sens sexuel du terme, un père ne peut continuer à l'être que dans ses rapports avec la mère. Autrement dit un père ne peut être que "le favori de la mère", ou il ne l'est plus dans le cas où il est supplanté par les enfants. Il ne devient dans ce cas qu'un substitut de celle-ci. C'est ce qu'on a oublié, si on ne l'a pas perdu définitivement de vue.
Ces propos nous éloignent-il des tâches politiques qui paraissent se profiler de nouveau à l'horizon ? Crises économiques et sociales obligent ! Certes non ! Car à lire tous ces auteurs, on s'aperçoit que les pulsions liées à la vie s'exacerbent au cours des révolutions. On aime, on lit et discute, on hait, on baise, on boit et on mange comme jamais, au cours des période de tensions sociale et politique. La vie appelle la vie, c'est tout ! >> Lire encore

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