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Au rive gauche
25 octobre 2011

Quand j'entends le mot culture, je sors mon révolver…

"Pourquoi la Renaissance arrive-t-elle trois cents ans trop tard ? Pourquoi le Moyen Age vit-il trois siècles après sa mort ? Son terrorisme, sa police, sesRenaissance-et-réforme bûchers, n'auraient pas suffi… De la philosophie proscrite naquit l'infinie légion des ergoteurs, la dispute sérieuse, acharnée, du vide et du rien. De la religion étouffée naquit le monde béat des mystiques raisonnables, l'art de délirer sagement.
De la proscription de la nature et des sciences sortirent en foule les fripons et les dupes, qui lurent aux astres et firent de l'or… Ils soufflèrent. À leur souffle, une Babel de mensonges et de billevesées, un solide brouillard, magiquement épaissi, où la raison ne mordait pas, s'éleva dans les airs. L'humanité s'assit au pied, morne, silencieuse, renonçant à la Vérité. Si du moins, au défaut du Vrai, on pouvait atteindre le Juste ? Le roi l'oppose au pape. Grand bruit, grand combat de nos dieux. Et tout cela pour rien. Les deux incarnations s'entendent, et toute liberté est désespérée. On tombe plus bas qu'auparavant. Les communes ont péri. La bourgeoisie est née, avec la petite prudence…
Des apparitions surhumaines, à réveiller les morts, vont venir, et ne feront rien. Ils voient passer Jeanne d'Arc, et disent : "Quelle est cette fille ?"
Dante a bâti sa cathédrale, et Brunelleschi calcule Santa Maria del Flore. Mais on ne goûte que Boccace. L'orfèvrerie domine l'architecture. La vieille église gothique, In extremis, s'entoure de petits ornements, frisures, guipures, etc., elle s'attife et se fait jolie. La persévérante culture du faux, continuée tant de siècles, a porté ses fruits… Et il se passe un demi-siècle sans que l'imprimerie y ramène un peu de lumière. La grande encyclopédie juive, publiée dans sa discordance de siècles, d'écoles et de doctrines, embrouille d'abord et complique les perplexités de l'esprit humain… Ainsi, grandes découvertes, machines, moyens matériels, secours fortuits, tout est encore inutile… Un grand mouvement va se faire, de guerre et d'événements, d'agitations confuses, de vague inspiration. Ces avertissements obscurs, sortis des foules, mais peu entendus d'elles, quelqu'un (Colomb, Copernic ou Luther) les prendra pour lui seul, se lèvera, répondra : Me voici !" J. Michelet

Les-chouans-filmNous ne le redirons jamais assez, tandis que la bourgeoisie dispose déjà pour elle seule de toutes les richesses : matérielles, scientifiques et humaines, elle obtient au surplus le concours de tous les talents individuels. Si toutefois cette expression veut dire quelque chose. On le voit, la bourgeoisie achète tout. Toutes choses que le prolétariat devra lui arracher, s'il veut lui succéder puis perdurer comme classe dominante une fois arrivé au pouvoir et ainsi espérer libérer l'humanité de toutes les formes d'oppressions, issues pour le moins des rapports sociaux. Pour les autres, nousRévolution-française-1 verrons.
Jules Michelet est un des chantres de l'accession de sa propre classe (la bourgeoisie) à la position de classe dominante, culturellement parlant, avant même son accession au pouvoir. Il admire, comme personne, les talents en tous genres que celle-ci révèlera tout au long de son histoire.
Conscient toutefois du rôle révolutionnaire de la bourgeoisie (tant que cette dernière subit le joug des anciennes classes dominantes), il se montrera incapable d'accorder les mêmes capacités et faveurs à la dernière née des classes sociales, à savoir : le prolétariat. Michelet fait partie de la génération née juste après la Grande Révolution française. Il grandit au contact de bon nombre de ses acteurs, dont son père. Ce qu'il nous restitue c'est presque du vécu, par opposition à tous nos historiens contemporains. Et, ça fait une sacrée différence. L'enthousiasme, dont il fait montre est communicatif. Je ne dirais pas qu'il est suffisant pour faire de tout lecteur un révolutionnaire. Tout au contraire !
Car la révolution, chez Michelet est devenue quelque chose d'essentiellement littéraire, presque artistique voire esthétique. Comme si elle appartenait seulement au passé. Et puis, enfin, dès que la violence des opprimés apparait sur le devant de la scène, Michelet fait un pas en arrière. Sa lecture peut, tout au plus, conforter plus d'un militant ayant déjà choisi son camp. Là, gisent les limites d'une culture à laquelle les petits bourgeois, même intellectuels, font excessivement confiance. En conséquence de quoi toutes et tous pensent que les exploités ne feraient pas la révolution parce qu'on ne les informerait pas suffisamment, ou parce que l'idéologie les inhiberait. Rien n'est plus faux que cela. Ce n'est, au fond, qu'une question de rapports de forces. Ici, nous touchons aux limites "du poids des mots et du choc des photos". Mais laissons cela. Révolution-française-2
C'est ainsi que tout en assistant avec nos petits-enfants à un concert de musique de chambre, ce week-end dernier, au sein même de la maison natale de Gustave Courbet restaurée, je m'interrogeais sur les limites de cette débauche de fric, vis-à-vis des problèmes que rencontre la part de la population qui travaille et crée réellement. En quoi, me disais-je, tout ceci peut les rendre plus maîtres de leur destin ? Nous étions là, une quarantaine de personnes à écouter religieusement, dans un silence de cathédrale, un trio d'interprètes de Liszt.
Si l'entrée était gratuite, les investissements régionaux, afférents à ce genre de lieux et d'activités dites culturelles, sont loin de l'être. Ladite culture est devenue un marché, au même titre que tout le reste. Son alter ego : la contre-culture est, elle aussi, un mythe ! En outre, la part due au conformisme social et aux modes dans le succès de tout artiste n'est pas à négliger. Mais, nous n'avons pas mieux pour l'instant. Alors faisons avec. Ceci dit : À bas la bourgeoisie et sa culture !
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