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Au rive gauche

18 avril 2021

Journal signifie d’abord œuvre écrite au jour le jour

Les fourberie de Scapin

 

Si le journal est souvent caché, secret et semble trouver dans une certaine occultation à autrui un gage de sérieux, d’authenticité, nous ne connaissons, par définition, que ceux dont la divulgation a éventé le mystère - et souvent de l’aveu même de leur auteur. Le nombre des journaux intimes publiés est considérable.
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Édito
"L’échec nous renvoie aux affres de l’identification personnelle"*Gosta-Berling
Après un peu plus de patience, de discernement, d’abnégation peut-être, Stéphane eut pu s’éviter "l’épreuve" qu’il venait de s’infliger.
En effet, à peine venait-il d’entrer en possession d’un nouveau téléphone : - perspective de la 5G, oblige – qu’il l’avait bloqué.
Buttant à chaque étape, contre des difficultés sans nom, lors de "sa prise en main". Jusqu’au moment de l’éteindre, un comble, n’est-ce pas ? Ce n’est qu’à force de traficoter" ici et là, qu’il arriva à ses fins. Sauf, qu’il dut parallèlement procéder à quelques opérations. "À l’insu, de mon plein gré". Tout va tellement vite maintenant.
Le lendemain matin, au moment de l’allumer. Il ne se passait rien ! Le téléphone demeurait aussi inerte que du bois mort. Cet engin de mort lui demandait un mot de passe, dont il ne se souvenait plus. Au reste, après avoir tapé "le bon", il ne parvenait plus à "continuer". Because la nouvelle apparence. Tous les dieux de la téléphonie se liguaient contre lui. Comme "deux ronds de flan", il était ! Décidément, "ils ne nous apprennent pas tout, lors de la courte prise en main," ne cessait-il de se dire. Comme pour partager sa faute avec quelqu’un. Laquelle mise en main consiste surtout à parachever la vente.
C’est seulement en revenant à la boutique - où il se rendit, dès l’ouverture de celle-ci – qu’il apprit que son téléphone seul était bloqué. Que pour continuer - après avoir taper le mot de passe - il fallait faire "Ok !" : pour valider ! Ayant oublié le bon (mdp), il n’était guère plus avancé.
Du reste, "Ange", le vendeur de la veille, ne fut guère enchanté de le voir revenir en un si mauvais pas ! D’autant plus, qu’il avait à s’occuper d’un client potentiel, pour le même appareil. Tandis que, sauf miracle de sa mémoire, celui de Stéphane n’était déjà plus qu’une ruine. Néanmoins, ce gentil vendeur prit sur lui de faire quelques brèves échappées, auprès de lui. Ne serait-ce que pour vérifier de visu, s’il avait progressé.
Ange aussi espérait encore et toujours. Mais, davantage en lui-même, qu’en Stéphane. Sans rien lui en dire, non plus. Sans doute Ange devait-il se sentir quelque peu coupable lui-aussi. Ceci dû à un phénomène inconscient de projection-identification. Le temps aidant, l’adrénaline commença à diminuer chez Stéphane. Machinalement, il tapait les quelques mots de passe dont il se souvenait, afin de se donner une contenance. À la vérité, il nous faut préciser que dans le vague - chez lui - son stress fut augmenté pour avoir remarqué, sur la toile, n’avoir droit qu’à dix tentatives infructueuses.
Le-bateau-sur-la-montagneSans le savoir, Ange avait immédiatement vidé la baudruche, de ce côté, en lui disant qu’il n’avait bloqué que le téléphone, non la puce. Petit à petit, Stéphane pris conscience qu’il avait à sa disposition, désormais, tous les essais dont il avait besoin. Et c’est ainsi que petit à petit il remontait la pente.
Encore que, le nez dans le guidon, il n’avait pas remarqué qu’un autre vendeur, un peu plus âgé qu’Ange, observait son manège. Expérimenté, celui-ci ne bougea ni pied ni patte, tant que notre ami se trouvait toujours au même point. Ne perturbant, en rien un stress, qui commençait à retomber.
À demi consciemment Stéphane prit sa sacoche et chercha la chemise qu’il avait préparée, au cas où Ange eut besoin de quelques éléments du dossier. À moins, que ce ne fut plus simplement qu’afin de se donner l’air de faire quelque chose. En attendant qu’Ange en eut fini. Machinalement, Stéphane sort la feuille sur laquelle figurent différents codes secrets et, commence à les taper, un à un, tous ponctués d’un "ok" libérateur ! Bien lui en pris, le téléphone s’ouvre enfin, mais lui demande de retaper le dernier. Sous le coup de l’enthousiasme, toutefois, Stéphane fut incapable de se souvenir duquel… De son côté, Ange, qui n’en perdait pas une miette, s’esclaffa : "Ça y est, vous l’avez trouvé !?" Tandis que Stéphane venait d’en reprendre un coup sur la casquette. Mais Ange n’écoutait déjà plus. Néanmoins l’espoir était revenu. Sans se décourager. Stéphane les repris un à un, jusqu’au dernier. Et ce fut le bon. Qui a dit : "qu’il n’y avait pas de bon dieu pour les patients ?"
C’est à ce moment-là seulement que notre bon observateur extérieur, se manifesta. Calmement. "Donnez, lui dit-il, je vais vous simplifier la vérification." Et Stéphane, revigoré, de se sentir : "Sauvé des eaux, comme Moïse !"

*Christian Jouvenot, Freud : un cas d’identification à l’agresseur, PUF, Paris 2003, p 42.

 

6 janvier 2020

Le rêve prémonitoire de Stéphane

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"N'étant pas Zola au bord de l'affaire Dreyfus et conscient du caractère éventuellement prétentieux qu'aurait pu revêtir, sur ce sujet de la justice familiale, un essai de ma part, j'ai romancé ma vie et l'ai transcrite, donnant à la fin de l'ouvrage une dimension certaine de grand-spectacle pour avoir ensuite matière à adaptation cinématographique. Je me suis également inspiré du phénomène troublant qui a consisté à voir publier, deux ans avant que ne survienne la catastrophe du 11 septembre, sa narration précise dans le roman "Sur ordre" de Tom Clancy."
Le rêve aux loups, Jordan Diowe
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Édito
Après avoir évoqué, la signification de son rêve avec Jeanne, aux aurores, l’idée d’en tirer parti vint aussitôt à Stéphane. D’autant plus qu’un rêve n’est jamais que l’expression d’un vœu. D’un souhait, non réalisé. (Freud)


Préambule
En cette période de promesses, riche en vœux de toutes sortes, Jeanne reçut une carte de vœux, la veille. Écrite de la main d’Émilie, fille d’Anne-Marie (seconde des petites-filles de François, son défunt mari). La préférée de Jeanne. Un courrier à ajouter au coup de fil d’Alex (petit-fils de François) reçu la veille. Ainsi qu’un email de frère-Benoit, son propre beau-fils. Ça faisait beaucoup. Bien que les rapports de Jeanne avec son ancienne belle-famille se soient distendus depuis l’arrivée de Stéphane. Initialement bien perçue, cette intrusion inopinée porte ses fruits. Positifs et négatifs ! Non sans hostilité refoulée. Alors que Jeanne n’a rien changé à ses habitudes. En ces périodes de bilans, ceci constitue l’essentiel de leurs discussions. D’autant que ce petit monde se sent des droits sur l’héritage familial, du vivant de Jeanne déjà. Un viager, en somme, pour Jeanne qui leur paraît avoir cassé un contrat qui devait perdurer.

Présentement
Il s’agit d’une rêverie effectuée au petit matin. Ce qui explique que Stéphane s’en souvienne. La veille encore, il regrettait ne plus être en possession de quelques ouvrages de référence, retenus par Bernadette son ex-amie. Stéphane déplore surtout n’avoir pu mener sa mission jusqu’au bout. Leur séparation le coupe de l’œuvre déjà réalisée. À savoir, l’éducation des trois enfants de Bernadette. Eu égard aux fonctions masculines et paternelles auxquelles il tient. Voilà pour le décor.

Contenu manifeste du rêve
Stéphane se trouve aux côtés de Bernadette, son ex-compagne, sur le pont Battant, à lui faire part de ses désidératas. Là, où ils se croisent parfois. Cynique, celle-ci ne lui laisse aucun espoir. Surgit alors Michel, ex-mari de Françoise, sœur de Bernadette. Une des plus hostiles à Stéphane, depuis toujours, dont Jeanne et lui-même avait parlé la veille. Le voilà, le lien du rêve avec Jeanne. À savoir : le blocage que Bernadette et son clan lui oppose, l’amène ipso-facto à penser aux obstacles que Jeanne ne peut dépasser, dès qu’il s’agit de répondre à Anne-Marie. Puis aux autres.

La pensé du rêve !
À partir d’un certain stade, le rêve ne se transforme plus qu’en un songe à demi éveillé. Stéphane réfléchit, presque consciemment. Se met à raisonner, plus qu’à rêver. À partir de là, le rêve si bien commencé, ne devint plus qu’une méditation à demi-consciente. Le rêve réfléchit pour lui. Faisant appel à de plus en plus d’audace, il envisagea les explications les plus hardies. Sans contradicteur, ses raisonnements s’enchaînent, se fécondent l’un l’autre. Lui fournissent la clef de quelques énigmes et autres songes. Puis, au fur et à mesure de ses pensées, il apparaît qu’il tienne là de quoi rebondir avec Jeanne. Eu égard à leurs problématiques respectives. Vis-à-vis desquelles Jeanne, elle-même, ne peut jamais trouver d’expressions correspondantes. Jeanne bloque par ailleurs sur les substituts parentaux. "On ne touche pas à mon père" s’exclame-t-elle souvent. François, son mari, soulignait-elle au passage, était plus âgé que son propre père.
Sans contradicteur, Stéphane enchaîne les raisonnements demi-conscients. Crescendo, ils lui fournissent la clef de quel-qu’énigmes. Il se dit que Jeanne s’est façonné un personnage, puis qu’elle se contraignit d’y correspondre. Ainsi, il remonte jusqu’à son enfance. Se persuade que Jeanne jalouse son aînée, (qu’elle ne souffre plus), que leur mère tançait, s’accaparait. Un duo fusionnel, rejetant Jeanne. Ambivalente, Jeanne d’endurer passivement pour son aînée, s’immisçant fantasmatiquement ainsi au festin. Frustrée, Jeanne érige la souffrance en passe-partout. Pour ne pas disparaître, mentalement du moins. Il résulte une plaie qui se rouvre à chaque frustration. Souffrance et plaisir se donnent le change. Perdre l’un, c’est égarer l’autre. Jeanne s’accroche. Récurrente, la jalousie résiduelle se double du duo culpabilité/agressivité. Dialogue, inconscient, narcissique entre deux tendances affectives qui se renforcent mutuellement. Décuplées par le rejet lequel engendre la résistance. Autre tentacule de la pieuvre instigatrice de la haine, contre laquelle Jeanne, via moult colères, se bat ! Un bouc-émissaire et ça sort. Stéphane se réveille, épuisé, heureux d’avoir fait un pas. Se persuade que Jeanne s’est pris les pieds dans le tapis, avant de fuir la maison. Palabrant au petit matin, Jeanne de lui livrer sa première pensée : "Il est fou !" s’est-elle dit stupéfaite, face à sa bibliothèque.
4 h 50. 06/01/2020. Stéphane


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13 avril 2019

Mais que diable allait-il faire dans cette galère ?

Eugene-OneguineLe rêve donc s'occupe la pensée freudienne, le rêve qui se forme dans le sommeil, est provoqué par des désirs que l'être conscient ne s'avoue pas […].
Il n'en va pas ainsi dans la sorte d'imagination que je me propose d'étudier. […] Ce que j'appellerai l'imaginaire métaphysique est un ensemble de récits que l'on se fait, de mythes auxquels on tente de donner foi, sur un arrière-plan de figures jugées divines ou dotées sans qu'on en prenne conscience de caractéristiques qui sont le fait du divin. [...] G. B.
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Cet-obscur-objet-du-desir

Édito
Las d'attendre chez lui, au début d’un de ces après-midis pendant lesquels il va forcément se passer quelque chose, Stéphane décide d'arriver délibérément en avance au CLA. Là, où aura lieu la conférence de C.L.C. intitulée : "L'instant poétique". Un lieu où tous deux ont tacitement "rendez-vous". Un face à face, chargé en émotion, quand bien même l'avait-il souhaité de tous ses vœux cette rencontre. Surtout, depuis la lecture des plus déconcertantes de : "Blesse, ronce noire", un roman de cet auteur. Son plus grand succès, dit-on. Un récit - aussi poétique que faire se peut – d'ébats, des plus platoniques, entre un frère et une sœur, qui lui procura un émoi certain. Fictive dans sa forme, l’évocation de jeux érotiques, infantiles, se déroulant dans des endroits écartés de la vie communautaire, l’avaient renvoyé à ceux qu'il eut jadis, bien réels ceux-là, avec une petite voisine. "Décidément c'était osé, aussi bien du point de vue des héros que de l'auteur", s'était-il fait la remarque. Certain qu'un jour il arriverait, lui aussi, à s'y référer, les évoquer, sans ne jamais blesser personne.
Mais, pourquoi diantre cette imperceptible sensation qui enfle, monte en lui, comme en un rêve ? "Il s'agit surtout, pensa-t-il, de donner le change à une angoisse certaine, à peu de frais". À moins que ne soit que propension à désirer - tout autant qu'à craindre - la nouveauté, chez des gens originellement asservis, n'ayant rien de mieux à faire qu'être disponibles. À jouir du temps qui passe.
Une "confrontation", se prépare néanmoins, en présence de témoins silencieux, non concernés. "Comme au théâtre", se précise-t-il. Qu'il le veuille, ou non, ce "sentiment d'étrangeté", n'est pas l'effet du pur hasard. Tout compte fait, Stéphane est là, bien là et y restera. Même, s'il s’en veut peut-être déjà d’y être venu. "Décidément, on se défend toujours de quelque chose", se murmura-t-il. Obsédante, l'émotion subsistera étonnamment une fois celui-ci entré dans la salle, augmentée d'un zest supplémentaire. Comme si notre "ami", se plaça délibérément en compétition avec la star du jour ? "De sorte que c'est toujours le moi, la vedette de tout show", se dit-il. De quel côté qu'on soit de la barrière.
Encore qu'il ne lui suffise de deux ou trois mots, échangés à la volée avec l'une des futures auditrices, affairée elle aussi à repousser momentanément un léger malaise. Sans l’annihiler, pour autant.
Soudain, un antagonisme, tout ce qu'il y a de plus rampant, s’instaure avant coup, entre un public impatient et l'orateur tant attendu. Toujours aussi ému, Stephane se surprend à rechercher quelques visages connus. Sans grand succès de ce côté. Il n'en voit que deux, affairés, eux-mêmes, à dissiper la même chose que lui. Vaincu, il se dit "qu'une rivalité interpersonnelle en génère certainement toujours d'autres".
Enfin, le vieil auteur arrive, sans se presser, ni leur sourire non plus. Tel un homme sur qui quelque chose de réfréné pèse de tout son poids depuis longtemps. Après une inutile et automatique vérification d’usage des micros, l'orateur se lance dans une lecture d’emblée monocorde.
Sans vie, presque. Sans se départir d'une lenteur voulue, d'une subliminale tonalité, ni n'avoir préalablement dévisagés son auditoire.
Puis ce fut une véritable surprise que de l'entendre versifier, un texte préalablement écrit, dans un style qui lui est propre. Aussi recherché que le personnage. Une appréciation qui tendrait à prouver que Stephane résiste intérieurement à "l'aura" de cet écrivain connu ? Telle une soudaine, imperceptible et jalouse sensation d'envie, sans qu'il ne puisse la dénier. L'effet de surprise passé, une impression de "déjà vu" s'immisce dans sa tête.
Corroborée, si besoin était, par les souvenirs de la lecture plus récente de Bethsabée, un de ses derniers titres. Le roman des plaisirs ancillaires de Rembrandt et sa servante, devenue ensuite sa seconde compagne.
Au fond, se surprit-il à penser "il se pourrait que le corps, qui obsède tout homme, ne soit que celui de la mère, voire d'un substitut de celle-ci".
Pessimiste l'essayiste définit enfin "L’instant poétique", comme étant le moment où l'intérêt du lecteur et la motivation de l'auteur se rejoignent. Se retrouver en nous-mêmes, la conscience de soi, la solitude de l’homme…, soit autant de leitmotivs chers à l'orateur.
Un récit à la voix toujours apaisante, concordante, ronronnante, dominera cet exercice de style déclamatoire de C.L.C.
Lequel s'efforce de dominer, de maîtriser son expression, au décryptage du poème, "comme un musicien interprète une composition musicale", dixit lui-même. Une maîtrise, afin de ne rien laisser s'échapper de lui-même.
Il ne fut question que de "Chant des poussières" de François Migeot, Et Stéphane, en l'absence de débat, d'estimer que ça suffisait.

 Eugene-Oneguine-texte-finL'art-d'aimer-texte-fin

 

26 juillet 2018

Cénacle littéraire chez Michèle, sujet imposé : Du style !

Balzac

"Mon garçon, commençait le membre de l’Institut, dites-vous bien que La Chartreuse, c’est d’abord de la musique ; du Métastase et du Verdi ; c’est de la musique comme la peinture du Corrège est une symphonie. Stendhal lui-même, répondant à Balzac, qui avait si bien loué La Chartreuse, disait : "Les ombres du Corrège vous jettent dans une douce rêverie ; c’est presque de la musique. "Quand Stendhal énumère les grands noms des palais parmesans ou les cimes des Alpes rhétiques - reprend Balzac -, il ne fait rien d’autre que de se jouer à lui-même la musique du souvenir, celle de sa vingtième année." J. Morand
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Fanny-alex


Édito
Le thème "du style", de ce soir, ne m’en était pas moins étranger quant au fond. Ceci dit dans un style aussi peu scolaire qu’il me soit possible. Où je ne me sens pas obligé de faire état de tout ce qui s’est écrit. De sorte que cet exposé est à mon image, là où j’en suis. Pour Buffon "Le style est l’homme même" alors que le style ou l’homme peuvent s’y présenter "indifféremment : thème ou prédicat".
Selon Gérard Genette (relisant Nelson Goodman) : "Le style est le versant perceptible du discours, qui par définition l’accompagne de part en part, sans interruption ni fluctuation. Ce qui peut fluctuer, c’est l’attention perceptuelle du lecteur, et sa sensibilité à tel ou tel mode de perceptibilité (...) Je cite toujours : La notion de style connaît en français une très grande extension. On peut rappeler la définition de Meyer Schapiro : "Par style, on entend la forme constante - et parfois les éléments, les qualités et l’expression constants - dans l’art d’un individu ou d’un groupe d’individus. Enfin, le terme "style" vient de "stilus", l’instrument dont les romains se servaient pour écrire. D’après Laurent Jenny, extrait d’un article paru dans le n° 11 de la revue Littérature : "J’aimerais aborder la notion de style par une réflexion volontairement large et englobante sur des pratiques qui excèdent le style artistique mais sur fond desquelles ce dernier prend sens. Il me semble en effet qu’on peut situer le style parmi un ensemble plus vaste de pratiques, pratiques vitales tout autant que productrices, et qui toutes ont pour objet "l’individuel".
Pierre Pachet, dans son livre écrit : "L’individu s’affirme le plus, et sous sa forme la plus abstraite, là où le signe de son affirmation est le plus stéréotypé. Pourquoi ? Ce que l’individu affirme là n’est pas la richesse de sa vie psychologique, son inventivité, ses ressources ; c’est sa pure indépendance, le pouvoir de dire oui ou non, de désirer ou de repousser... Ce "territoire" n’a pas à justifier sa valeur aux yeux d’autrui, ni son originalité. Il suffit qu’il soit posé comme mien".
Changeons de registre : Expliquer un style, selon Gombrich, consiste ni plus ni moins à situer son caractère expressif dans l’histoire générale de l’époque à laquelle il appartient, à démontrer que les formes qu’il utilise n’expriment rien qui ne s’exprime également dans les autres organes de cette époque.
À ce propos la Lettre de Rilke à un jeune poète est un modèle du genre : "C’est dans le beau poème "Mon âme" que je le sens le plus nettement. Là, quelque chose que vous avez en propre cherche sa forme et son style. Votre bonne lettre qui les accompagnait ne manque pas de m’éclairer sur certaines faiblesses qu’à la lecture de vos vers, j’avais perçues sans pouvoir les désigner nommément. Vous demandez si vos vers sont bons. Vous me le demandez à moi. Vous l’aviez auparavant demandé à d’autres. Vous les adressez à des revues. Vous les comparez à d’autres poèmes. Alors (puisque vous m’avez autorisé à vous donner des conseils), je vous conjure de renoncer à tout cela. Personne ne peut vous apporter aide ni conseil. Il n’est qu’une seule voie. Entrez en vous-même. Recherchez au plus profond de vous-même la raison qui vous impose d’écrire : examinez si elle étend ses racines au tréfonds de votre cœur, faites-vous-en l’aveu : serait-ce la mort pour vous s’il vous était interdit d’écrire. Si votre quotidien vous semble pauvre, ne l’accusez pas. Et seriez-vous vous-même dans une prison dont les murs ne laisseraient parvenir à vos sens aucun des bruits de ce monde, ne vous resterait-il pas votre enfance, cette richesse exquise, royale, ce Trésor de souvenirs ?" Rilke
Autre texte, tiré d’Une Enfance Berlinoise, Préface de Jean Lacoste à Sens unique de Walter Benjamin.
"Si Benjamin choisit de sauver, en 1933, ces incidents de son enfance berlinoise, ces fugitives initiations, comme on arrache un seul objet à un incendie, c’est peut-être parce que, pour citer une dernière fois les Thèses, ces instants critiques, ces "seuils", sont "le signe d’un arrêt messianique du devenir, autrement dit d’une chance révolutionnaire dans le combat pour le passé opprimé. Enfance berlinoise doit peut-être son existence à cette étrange et belle idée théologico-politique : nous avons envers l’enfant mort qui est en nous la même responsabilité qu’envers les espérances toujours en souffrance du passé".
Passons maintenant au propre aveu de Franz Liszt : "J’exécutais alors fréquemment, soit en public, soit dans des salons (où l’on ne manquait jamais de m’observer que je choisissais bien mal mes morceaux), les œuvres de Beethoven, Weber et Hummel, et, je l’avoue à ma honte, afin d’arracher les bravos d’un public toujours lent à concevoir les belles choses dans leur auguste simplicité, je ne me faisais nul scrupule d’en altérer le mouvement et les intentions ; j’allais même jusqu’à y ajouter insolemment une foule de traits et de points d’orgue, qui, en me valant des applaudissements ignares, faillirent m’entraîner dans une fausse voie dont heureusement je sus me dégager bientôt. Vous ne sauriez croire, mon ami combien je déplore ces concessions au mauvais goût, ces violations sacrilèges de l’ESPRIT et de la LETTRE, car le respect le plus absolu pour les chefs-d’œuvre des grands maîtres a remplacé chez moi le besoin de nouveauté et de personnalité d’une jeunesse encore voisine de l’enfance".

Merci de votre attention,

Étienne

Pierre-et-JeanHenry-James-le-roman-considere

 

30 avril 2018

Vanitas vanitatum, omnia vanitas & sic transit gloria mundi

La liberté et la mortLa-liberte-et-la-mort
"Les femmes qui s'occupaient de poules, de coqs et de lapins, considéraient le couple avec inquiétude.
- Elle est trop maigre, la mariée, elle n'a pas de poitrine, elle n'aura jamais de lait !
- Ne t'en fais pas, va, elle en aura. Tu te rappelles, l'année dernière, ma chèvre Mavrouka ? Elle n'avait que la peau et les os, on ne voyait même pas ses pis, pourtant elle a été prise, elle a mis bas, et tu ne me croiras pas... elle donnait une oke de lait à chaque traite.
- Mais elle n'a pas de hanches ! Où se logera l'enfant ?" Disait une autre.
Et sa voisine la rassurait : "Ne te fais pas de mauvais sang, elle va élargir, Quand les filles se marient, elles élargissent."
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celui-qui-doit-mourirNikos Kazantzaki fait partie des rares auteurs que j'emporterais sur une ile déserte. Ceux, peu nombreux, dont j'eus le désir de tout lire. Encore que, plus j'avance dans l'âge, et plus la liste de ceux-ci ne s'allonge. Tous les héros de cet auteur paraissent n'être, au fond, que des substitus du père. A condition qu'on le veuille. La liberté à laquelle Nikos aspire et fait référence est double.
De prime abord toujours individuelle, intérieure, inconsciente. Elle s'inscrit néanmoins dans un cadre plus général.
Il ressort qu'il faille se battre pour être libre, pour vivre.
Tandis que la femme représente l'unique source d'inspiration des mâles, cette liberté, ne se conjugue paradoxalement qu'au masculin ! Nous sommes loin de l'égalitarisme qui nie toutes différences. Quant aux enfants, il leur suffira d'attendre leur tour, qui ne manque pas de venir !
Alors qu'aujourd'hui on leur accorde ipso facto le statut d'adulte. Jusqu'aux animaux qui s'humanisent, de plus en plus.
Dans La liberté ou la mort le passionnel le dispute sans cesse au réel. Ce qui rend cet ouvrage peu ou pro nostalgique, romantique à souhait. C'est de la même veine qu'Yachar Kemal. Deux romanciers chez qui la tradition n'en finit pas de mourir. Le tout mêlé à quelques traits de modernisme bien sentis. Dans ce roman le lecteur ne tombe jamais dans la banalité, la facilité, ni le vulgaire.
Tout est hautement traité. Ainsi, l'approche d'un imminent orage, alourdit l'ambiance déjà sourde de multiples imprécations. A l'instar d'un fond d'écran.
Pour Kazantzaki la vie n'est que passion, à l'image de la vie du Christ. On est immédiatement prit. Un climat de tension transite sans coup férir de L'auteur au lecteur. La répétition incessante des menaces ajoute à la gravité à la situation. L'auteur est tourmenté, hanté, obsédé. Tandis que l'intrusion des grandes puissances n'apparait qu'à la moitié du roman.
Parce qu'elle est fantastique, la littérature de Kazantzaki ne date pas. Omniprésente, la question religieuse demeure cependant sous-jacente à tout. L'attaque du quartier juif nous rappelle les pogromes, dont ceux-ci furent victimes.
"Asiatique" sur la forme, ce roman est peuplé de "beys", "d'Agas", comme ceux d'Yachard Kemal. De même dans ceux de Ramon Sender, auxquels ce roman m'a fait penser. On y trouve au surplus l'ambivalence des sentiments, toujours introspectifs. Plus puissant que Zorba le grec, sans ambages, toute action doit rageusement aller au bout. Comme dans un rêve. Alors que ça ne se passe pas systématiquement ainsi dans la vie réelle.
L'auteur nous enlace d'emblée. Tous les personnages vivent une tragédie en surimpression à leur quotidien. Ce d'autant que la question nationale chevauche sans cesse celle de la religion. C'est ainsi que le dimanche est synonyme de trêve, dans la lutte entre la chair et l'esprit. Entre le réel et le mystique. Entre deux, comme entre deux parents. Toujours en demeure de devoir choisir entre une hypothétique mission divine ou la nécessité ! Transcender le divin, en somme, voilà pour le sublime. L'humain c'est le réel, en rapport au principe de plaisir, duquel on ne peut s'échapper. C'est la même ambiance dans tous les romans de Nikos, qui n'en font plus qu'un seul. On chante, on danse. Ce ne sont que petites scénettes qui se succèdent. Le problème qui demeure : la sublimation.
Héros de La liberté et la mort, Michel est le sosie de Zorba, héros du roman éponyme. Tout est calme, entre deux piques de tension la vie suit son court, reprend son souffle. Mais le vengeur attend son heure.
"Quelle folie que de vouloir sauver le monde !" : nous concède enfin l'auteur, las de s'échiner en vain.
Étienne

Tourterelle-ma-tourterelleMeurtre-au-marche-des-forgerons

 

 

 

 

 

 

18 décembre 2017

Étienne…, Étienne…, Étienne…, tiens le bien !

Bar-des-Chaprais
Au Grand Café, vous êtes entré par hasard, Tout ébloui par les lumières du boul'vard, Bien installé devant la grande table, Vous avez bu, quelle soif indomp­table, De beaux visages fardés vous disaient bonsoir, Et la caissière se levait pour mieux vous voir. Vous étiez beau vous étiez bien coiffés, Beaucoup d'effets.

Au Grand Café, Comme on croyait que vous étiez voyageur, Vous avez dit des histoires d'un ton blagueur, Bien installé devant la grande table, On écoutait cet homme intarissable, Tous les garçons jonglaient avec Paris-Soir, Et la caissière pleurait au fond d'son tiroir. Elle vous aimait, elle les aurait griffés, Tous ces gueulards, ces assoiffés, Ces assoiffés du Grand Café, Par terre on avait mis d'la sciure de bois, Pour qu'les cracheurs crachassent comme il se doit. Bien installé devant la grande table, Vous invitiez des Ducs, des Connétables, Quand on vous présenta, soudain, l'addition, Vous avez  déclaré : "Moi, j'ai pas un rond", Cette phrase-là produit un gros effet, On confisqua tous vos effets, Vous étiez fait au Grand Café, Depuis ce jour, depuis bientôt soixante ans, C 'est vous l' chasseur, c'est vous l' commis de restaurant, Vous essuyez toujours la grande table, C'est pour payer cette soirée lamentable, Ah, vous eussiez mieux fait de rester ailleurs, Que d'entrer dans ce café plein d' manilleurs, Vous étiez beau, le temps vous a défait Les mites commencent à vous bouffer ! Charles Trenet
Lire encore...Des-tavernes-aux-bistrots

 

 

 

 

 

 


 

Le-cafe-du-pontTous partants au bar des Chaprais turf ! ...
"Installé dans le quartier, je me sens de jeter un d'œil en une fin d'après-midi, interminable, au bar PMU des Chaprais. "Si t'as le bec fin, vas voir à Passy... !" Brassens, Le bistrot.
Ici, on joue, on gratte, on parie, on gagne parfois, on perd sûrement, jamais bredouille néanmoins. On ne vient pas ici que pour jacter. On se laisse vivre, on égraine les heures, poussé par le temps qui passe. "Tu trouveras là, la fine fleur de la populace, tous les marmiteux, les calamiteux, de la place..." Ibidem.
Sûrs de leur fait, ces désœuvrés n'y viennent pas pour s'en jeter un sur le pouce, poussés par l'habitude, attirés par ils ne savent pas quoi exactement. N'ayant nul ailleurs où aller, beaucoup feront la fermeture. C'est un lieu de vie, de survie. Où ce qui leur reste d'existence ne s'écoule, jamais la même, bien qu'iden­tique, comme l'eau d'une rivière. Rien que des personnalités, peu banales, triées sur le volet ! Il arrive qu'on tombe sur une table normale, entourée de gens, de vrais clients.
Ici, tous se connaissent. Viens-y deux ou trois fois et tu es admis, affublé d'un surnom aussitôt. A l'instar de ces gens en fauteuils roulants, surnommés : les motards !
Le temps s'étire faussement lentement. S'égrène sans qu'on n'y prenne garde, à notre insu. Ici, tous les jours se ressemblent, à l'exception du jour de fermeture. Le temps à tuer conditionne l'ambiance, la composition sociale du groupe.
Là, les faux semblants conformistes ne sont pas de mise. Le Café des Chaprais a ses propres codes. Peu de va-et-vient, peu d'é­changes extérieur/intérieur, sauf à fumer une clope. Tous les mouvements sont lents, non réfléchis. Les palabres, lancés à la cantonade, inspirent les autres. Non seulement, il y a le turf, mais on gratte-gratte, on pianote sur des écrans tactiles aussi, où se succèdent tiercés et autres quintés. Chaque joueur se trouve néanmoins livré à lui-même. On se lève de table, on quitte le bar, on bouge puis on se rassoit, au même endroit. Fi de la différence entre femmes et hommes, on est du café, on fait partie d'une famille. Un sous-produit de la fraternité, facile à donner, à perdre. La bière, le tabagisme, comme liens indé­fectibles en somme. "Si t'as l'gosier qu'une armure d'acier matelasse, goûte à ce velours, ce petit bleu lourd de menaces. " Ibidem.
Ce qui se passe dans la société, peine à avoir droit de citer. Une résistance qui répond à celle des autres. Enfin, vient le bar où s'y accoudent toujours les mêmes. Sur le zinc, ils viennent tromper : solitude, ennui, angoisse, vague à l'âme. Et puis, Julie est arrivée. "Que je boive à fond  l'eau de toutes les fontaines Wallace, si, dès aujourd'hui, tu n'es pas séduit par la grâce. De cette jolie fée qui, d'un bouge, a fait un palace. Avec ses appas, du haut jusqu'en pas, bien en place..." Ibidem.
Un rai de lumière s'est instillé derrière le bar ! Toujours à frotter, briquer, lustrer, nettoyer, Julie jette toujours un regard aux interlocuteurs qui se pressent. Mais, où est passé Omar, le boss ? Il déambule entre les tables, serre des mains, distille quelques conseils avisés. Le bar des Chaprais est un lieu de rencontres, entre des gens qui ne se rencontrent pas. "Dans un coin pourri, du pauvre Paris, sur une place... " Ibidem !
Étienne

 

10 décembre 2017

Vivre était au-dessus de ses moyens !

Les-paysans-Balzac"On entendait le bruit mat des pommes de terre versées dans les chariots... Par endroits, on labourait encore en vue de l'ensemencement... Des troupeaux de vaches marquetées paissaient dans les jachères... Plus loin, des oies ressemblaient à des plaques de neige sur les prés râpés et roussis... Quelque part, une vache meuglait... Des feux brillaient, et de longues tresses de fumées azurées s'étiraient au-dessus des terres... Un char gémissait, ou une charrue grinçait contre une pierre... puis le silence enveloppait de nouveau la campagne pour un instant, au point qu'on pouvait entendre le clapotis sourd de la rivière et le ronflement du moulin caché derrière le village, dans un bouquet touffu d'arbres jaunis... Puis, de nouveau, un chant rompait le silence, ou un cri parti on ne sait d'où s'élançait à ras de sol, se traînait au creux des sillons, et se perdait sans écho dans la grisaille automnale, sur les éteules tendues de toiles d'araignée argentées, sur les routes vides et songeuses, au-dessus desquelles s'inclinaient les lourdes têtes sanglantes des sorbiers... Ailleurs on hersait les champs, et un tourbillon de poussière grise, séculaire, jaillissait derrière la herse, s'allongeait et rampait à flanc de colline, puis retombait, et l'on en voyait émerger, comme d'un nuage, un paysan, tête nue, cheminait lentement, puisait du grain dans la toile et semait d'un geste monotone et pieux qui bénissait la terre."            Les paysans L. Reymont
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Horizons-lointains1La disparition d'un de mes amis d'enfance, dit de chez La Gouapotte, voilà une chose à laquelle je ne m'attendais pas d'assister, en cette fin d'année 2017. Lui non plus, d'ailleurs. Celui-ci vient de quitter cette bonne vieille terre, qu'il a retournée plus souvent qu'à son tour, comme il vivait. Sans faire de bruit. Sur la pointe des pieds, "pour ne pas déranger les gens". Ainsi que Brassens le chante : "Pauvre Martin, pauvre misère !"
Cet ami n'a vu du monde que ce que la télévision lui en aura donné à voir, peu et beaucoup à la fois ! L'impuissance, sous-jacente à ses propos, n'est d'ailleurs pas étrangère au fait que celui-ci ait été tourné vers le passé, plutôt qu'en direction de l'avenir, à l'instar de son père. Sans être le plus vieux du village, mon ami n'en était pas moins une des mémoires les plus vivaces. Il m'a beaucoup aidé lors de la rédaction de mes souvenirs d'enfance. En me prêtant les photos que nous n'avions pas, au sein de notre famille. Puis, en y ajoutant toujours quelques anecdotes, voire des commentaires, que parfois il n'avait qu'entendues. J'appris que Victorin, notre arrière grand-père, était "passé" par Montot, avant que d'arriver chez les Vernier. Là où la plupart d'entre nous sommes nés. Dès qu'il s'agissait d'un autre, mon ami ne s'étonnait de rien, quelle que soit la prouesse. Mais, qu'il s'agisse de lui et il devenait immédiatement pessimiste. L'autodérision, comme expression de son extrême modestie. Un maître mot qui le caractérisait de même.
Suite au primaire, il n'aurait pas voulu partir, devoir quitter son village natal, comme bon nombre d'entre nous furent contraints de le faire. Mais, il ne se montrait aucunement surpris de la réussite de ceux qui s'exilèrent. Peut-être est-ce ainsi, par délégation, qu'il "vivait" les rares plaisirs que sa timidité le contraignait à refouler. Au bal, je ne le vis jamais ne serait-ce qu'inviter une fille à danser. Alors qu'il n'aurait pas voulu manquer ces quelques rares moments, où le principe de plaisir présidait à tout.
Peu avare de quelques bons mots, ce garçon aimait la compagnie de ses semblables. Pourvu que nous ne lui demandions pas de s'impliquer personnellement. Il me faisait penser à "ces ouvriers de la dernière heure", aussi bien rétribués que ceux de la première. Sans se presser, il était de tous les bons coups !
Il aura fréquenté régulièrement l'église jusqu'au bout. Mais à quoi croyait-il ? Bien malin qui pourrait le dire. Avant tout, c'était un sceptique en beaucoup de domaines.
Il avait fini par "se mettre" à la chasse. Sous l'influence d'un de mes cousins, peut-être. À moins qu'il n'ait voulu profiter de la compagnie de son chien ? Ou les deux à la fois !Chazot-au-couché-du-soleil
Son plus grand voyage, il l'aura fait sous couvert de l'armée jusqu'à Madagascar, me rappelait un de mes frères, son conscrit. Comme bon nombre d'entre nous, d'ailleurs.
À défaut d'aimer philosophiquement la vie, ce camarade était de ceux pour qui "il faisait néanmoins bon vivre". Se réjouissant de tout, il pouvait sans nul doute apparaitre n'être véritablement satisfait de rien !
"Requiem, pour un paysan espagnol" est expressément le litre d'un roman auquel cette vie d'agriculteur anonyme me fait le plus penser. "Ce brave paysan"* était le meilleur des hommes. Ceux qu'on dit fait "d'une bonne pâte d'homme !". Trop, sans doute, pour ce qui est d'être capable d'attirer une femme dans ses rets ! À une époque, il est vrai, où épouser un paysan en rebutait plus d'une. Quoi qu'il en soit, mon ami chérissait la campagne, l'agriculture. Auto-satisfait, il aimait sa famille, sa maison, son village, sa région... par fidélité à ses ancêtres. Puis, parce qu'il n'aura connu que cela. C'est ainsi que s'exprimait son allégeance à tout ce qui ne relève que du quotidien. Son conservatisme. Il sera parti sans crier gare ! Et a fini de souffrir. C'est déjà ça ! Adieu
Étienne.

*Dixit Fernand Raynaud

Les-paysans

 

27 novembre 2017

Le festin de Pierre

 

Melancolie-et-creation-chez-Vincent-Van-Gogh

 

L'art comme nomination ou éclipse du nom
Lacan a vu dans l’œuvre de James Joyce le paradigme le plus pur de la notion de suppléance symbolique, en particulier dans la fonction par laquelle l'écriture a lieu. La "carence paternelle", dont souffre d'après lui l'écrivain irlandais, est traitée par l'écriture comme réalisation symptomatique du Moi : la carence du père n'a pas transmis symboliquement le désir, donc, la juste compétence phallique, mais Joyce trouvera dans l'écriture la possibilité de "se faire un nom" en se passant du nom paternel. En ce sens, la pratique de l'art serait pour lui un "sinthome" - terme que Lacan propose d'écrire en mode archaïque avec "th", afin de souligner sa différence d'avec la conception freudienne classique du symptôme. En effet, si le symptôme freudien, entendu surtout comme une modalité de retour du désir inconscient refoulé, destitue le Moi et le divise, celui de Joyce".
Lire la suite…

La-vie-devant-soi

Édito
Le roman, la vie devant soi, n'ayant plus de secrets pour moi, je ne considère que les multiples analogies existantes entre cette narration romanesque et l'auteur.
Rosa est juive, apatride, sa mère à lui aussi. Rescapée des camps certes, tandis que sa mère ne survit qu'à l’enfer du divorce, au prix d’une existence erratique. Il n'empêche, la peur incessante des allemands de Rosa nous renvoie à la peur que sa mère eut de la police française. Faire la pute ou vendre au marché noir, ont en commun d’être deux commerces illicites. Cooptée "assistante maternelle" pour les besoins de sa cause, il ne lui suffit plus que de l’entourer de cassos… Un statut qui fut le sien à quelques reprises. Élevé par sa mère exclusivement, Romain en eut une excessive estime pour elle, dont il ne pourra se libérer, à l'instar d'Hamlet de Shakespeare. Comme il échoue à s'en défaire, il ne peut se voir vieillir et doit demeurer l'éternel fils à sa mère.
"Une pute se défend avec son cul", écrit-il sans cesse, afin d’érotiser la narration. Platoniquement, comme avec la mère, pour un petit garçon. Néanmoins, des prostitués chez les juifs ça ne manquait pas ; il n'est que de lire "Le petit monde de la rue krochmalna" de Singer. Au fond, Romain est un Don Quichotte des temps modernes. Il tente de pourfendre des fantasmes qui le hantent et qui au final auront raison de lui. Il a bien essayé l’écriture comme catharsisi, en vain. D’où sa dépression latente. Qui aboutit à son suicide. A-t-il de l'humour, ainsi qu'on l'a dit la dernière fois ? Moi, je ne trouve que dérision. Romain essaie de se libérer de l’emprise maternelle, principal obstacle entre "la femme" et lui. L’ambivalence - autre penchant de notre auteur-héros - fait qu'il a toutes les peines du monde à se déterminer entre féminin et masculin.
Néanmoins son problème c’est paradoxalement l’abandon paternel. Telle la fin de la pièce de Molière : Don Juan et Le festin de pierre. Où l'on voit le fils défier mortellement le père mort. Son propre suicide peut être considéré comme une fin en apothéose. Le rapport avec le féminin, qu'il avoue être son problème, pourrait bien s’avérer n’être qu'une quête du masculin. Une recherche d'identité, comme le roi Arthur dans la série Camelot. Dans un milieu occupé par des proxos, peuplé de tontons bienveillants. La question du religieux, du fantastique, est permanente. Et puis, il y a encore cette résurgente relation exclusive à la mère comme Saint-Exupéry auquel ses exploits d'aviateurs m'ont fait penser. Sa servilité, vis-à-vis de la grande muette, au cours la seconde guerre mondiale, transforme la nation reconnaissante en un autre substitut maternel.
Le refus du Goncourt*, est davantage une résistance de sa part qu'autre chose. Fasciné par les armes à feu, le révolver en particulier, Romain est assez fou pour provoquer quelqu'un en duel au pistolet et se tire une balle dans la bouche. Enfin, Momo raisonne comme un adulte et le narrateur âgé comme un enfant.
*Qui récompense surtout les maisons d'édition

Le petit monde de la rue Krochmalna - Isaac Bashevis Singer

Les questions du mode de vie - Trotsky

 

13 décembre 2015

Orphée reviens, j’ai les mêmes à la maison !

"Orphée et Eurydice" - Pina Bausch

"J'ai perdu mon Eurydice, Rien n'égale mon malheur, Sort cruel ! Quelle rigueur ! Rien n'égale mon malheur, Je succombe à ma douleur, Eurydice! Eurydice ! Réponds ! Quel supplice ! Réponds-moi, C'est ton époux, ton époux fidèle, Entends ma voix qui t'appelle, Ma voix qui t'appelle, J'ai perdu mon Eurydice, Rien n'égale mon malheur, Sort cruel ! Quelle rigueur! Rien n'égale mon malheur, Je succombe à ma douleur, Eurydice ! Eurydice ! Mortel silence ! Vaine espérance ! Quelle souffrance ! Quel tourment déchire mon cœur, J'ai perdu mon Eurydice, Rien n'égale mon malheur, Sort cruel ! Quelle rigueur ! Rien n'égale mon malheur, Sort cruel ! Quelle rigueur ! Je succombe à ma douleur, à ma douleur, à ma douleur." Paroles de l’opéra : Orphée et Eurydice

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Atelier d’écriture du 7 décembre 2015

2e sujet
Pour moi c'était très agréable pendant trois ans de venir et de mettre les pieds sous la table, en quelque sorte. Ce changement de fonctionnement où chacun à son tour propose un sujet m’a fait venir une phrase à l'esprit que j’ai modifiée et détournée de son contexte psychanalytique. Définition simple d'étayage : soutien, appui.

Ce qu’on gagne en liberté on le perd en étayage, ce qu’on gagne en étayage on le perd en liberté.
Consigne : Qu'avez-vous à dire sur ces "enjeux" ? Il vous reste à choisir un sujet ou les deux. Au plaisir de nous lire les uns, les autres !

Reinach

Cher ami,
Tu l’auras compris, c’est le deuxième sujet proposé par l’animatrice du jour, que j’aurais choisi si j’étais allé au dernier atelier d’écriture, animé par Lomi. Et c’est, je crois, le thème de notre dernière conversation. À savoir : dans quelle mesure faut-il nécessairement quitter, abandonner, exécrer la protection illusoire que le couple parental nous offre, afin de nous lancer à la conquête du monde ? Et, au fond, réunir les conditions à la nécessaire réussite de notre vie, si tant est qu’elle puisse l’être.
Notre destin ressemble, ce me semble, à celui de ce pauvre Orphée, sommé de choisir entre la sécurité que lui offre la fidélité conjugale - quitte à se priver de tous les petits et menus plaisirs - ou l’aventure, comme promesse de jouissances répétitives à venir. Lequel Orphée, au fond, est tenté de lâcher la poire pour l’ombre ! Or, c’est bien là que se situe la différence entre un homme et le petit garçon qu’il fut et entend demeurer. Autrement écrit : notre tendon d’Achille à nous les hommes. Au reste, la sécurité qui correspond aux étayages de ce second thème n’est en elle-même qu’un leurre de plus. Quant à la liberté, son alter ego, elle l’est certainement tout autant. C’est cela, je crois, qui nous fait valse-hésiter. D’autant que s’il n’y avait la revendication paternelle, vis-à-vis de la mère, nous ne serions pas capables de trancher ce nœud gordien seul. Et ne quitterions probablement jamais la mère Encore que ce ne soit qu’en devenant père nous-mêmes que nous parachevons le travail. La vie est véritablement un labyrinthe, Mullerduquel nous voulons à la fois sortir et pas ! Si nous n’avions deux parents à aimer notre ambivalence, à préférer soit l’un soit l’autre, serait assurément moindre.
La mère est le siège de la vie ainsi que de ses promesses, à condition toutefois qu’on ne la quitte. Naître et y mourir ne nous avanceraient guère. C’est pourtant le défi que paraissent se lancer les générations actuelles. Ceci étant dit, on comprend aisément pourquoi chacun de nous ait besoin de se procurer bon nombre de substituts. Lesquels, si on y réfléchit bien, ne sont souvent que des substituts de substituts déjà, en fonction de notre avancée dans la vie. De sorte qu’il nous soit facile de croire avoir perdu de vue l’orignal. Alors que rien n’est plus faux. A tel point que je serais bien en peine de te préciser le moment où je me lançai, librement, affranchi dans ma vie. Au risque de faire erreur : Je me risquerais à avancer que ce pourrait être lorsque je me décidai à quitter l'étayage de L.O., au sein duquel je ne trouvais cependant pas que de la sécurité. Sans doute mes dernières illusions tombèrent à ce moment-là. Certes, Bernadette était déjà à mes côtés. Mais, les trois enfants qu’elle se refusait à abandonner contrebalancèrent largement les avantages qu’elle m’offrait par ailleurs. Là, il me fallut affronter de multiples démons à la fois. Sans plus me retourner non plus, cette fois, j’escaladai la montagne que mon destin sexué érigeait. Bernadette mieux qu’Eurydice en somme ! Au sens où il manque des enfants à celle-ci, dans le mythe. Les enfants comme nouveaux "étais", toujours substitutifs d’anciens. Et la boucle est bouclée. Autant dire : remets-toi, comme tu étais !
Étienne

>> Le symbolisme dans la mythologie grecque : Orphée

30 octobre 2015

Une sacrée soirée !

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Dernier Atelier d'écriture Édouard Droz
Animation Isabelle - Sous le signe de la célébrationle-bonheur-est-dans-le-pre

Consigne
Inspiré par la lecture d'extraits du livre de Pierre Bonte "Le bonheur est dans le pré", dans votre peau ou dans celle d'un personnage, rédigez un texte qui présente le bonheur qui consiste à participer... à l'atelier d' écriture ! Après trois grandes années d'existence, cet atelier consistant en l'ultime, l'envie était grande d'y revenir, d'y être et de lui rendre hommage, allons-y ! Et pour clore
Suite à votre texte, un petit acrostiche avec MERCI. Il s'agit d'écrire "merci" à la verticale et que chaque lettre devienne la première d'un mot qui vous vient du cœur, du corps, de l'esprit ou de l'âme, lorsque vous pensez à ces ateliers qui nous ont réunis.
Merci à vous. Merci à toi Étienne

Bonne écriture et à tout à l'heure pour le partage, encore !

>> Lire la contribution de Lomi
>> Lire la contribution de Chantal
>> Lire la contribution de Patrick
>> Lire la contribution d'Isabelle


La-fievre-dans-le-sangMa contribution
Est-ce l’écriture qui est belle ou est-ce prosaïquement la vie ? Les deux, mon général !
Ce bilan, sonnant pour moi comme le glas de cet atelier, recourra à une chronologie historique. Force m’est de dire que j’ai vécu cette semaine quelque chose de semblable, avec deux de mes petits-enfants, à ce que j’éprouve ce soir, ici. Qu’il soit question d’atelier ou qu’il s’agisse de l’un de mes petits-enfants, ce que je ressens est identique. On part avec une idée, puis la vie fait qu’on dévie, qu’elle s’impose à nous. Ne nous laissant que peu de choix : Soit de l’accepter ou de l’infléchir un tant soit peu. C’est en somme la morale sous-jacente du film : La fièvre dans le sang.La-peste-soit-de-l'Amerique

Pour ce qui me concerne, l’écriture s’assimile au militantisme. Écrire suppose un certain engagement. L’écriture implique ipso-facto un rapport à la vérité, à la franchise, à l’honnêteté. La quête du Graal.
Je m’imposai une sorte d’atelier d’écriture, à chacune des visites de mes petits-enfants, tôt le lendemain matin à la maison. Fort d’une certaine expérience, je m’adressai à eux, dès lors qu’ils auront atteint la maturité. "Cette idée me plait" m’a dit une employée, cet après-midi. Aussi longtemps que je le pus, je communiquai à mes filles le contenu de mes observations - ainsi que nous le faisons entre nous -, au grand dam de celles-ci. En voici un court extrait, il s’agit de Juliette qui ne parlait pas encore : "Autre moment plus difficile : celui de la sieste. C’est là qu’on voit que Juliette comprend énormément plus de choses qu’elle n’en dit pour l’instant. Dès que le mot "se coucher  fut prononcé, nous l’entendîmes immédiatement répondre : "non !". Il fallut insister quelque peu là aussi, et puis elle s’inclina. Peu après, Bernadette s’allongea à ses côtés, mais le marchand de sable était déjà passé. Plus de trois heures de sieste au bout du compte, ce qui n’est pas trop mal pour quelqu’un qui ne voulait pas la faire".
Depuis longtemps déjà, je considère qu’écrire est synonyme du besoin d’empathie. D'aimer. Ma première véritable épreuve rédactionnelle, fut la rédaction du mémoire en vue de l’obtention du DEES. Épreuve, dans la mesure où je venais de "me séparer en juste divorce" pour la seconde fois. Puisque, d’autre part, je m’engageais à militer professionnellement, politiquement. Un véritable double test, essentiellement parce que "la chaleur de la vie familiale" avait cédé la place à la froideur de la solitude. Sans parler du deuil à faire, comme dans le film Kramer contre Kramer, que j’ai toujours eu beaucoup de Une-ecriture-bleue-paleréticences à regarder. Ensuite, les rédactions de rapports dits de comportement destinés au juge des affaires familiales furent autant d’ateliers d’écriture que les petits journaux hebdomadaires d’entreprise que je rédigeais. L’assistance technique de l’informatique me vint au secours fort à propos, dans cette aventure qu'est l'écriture pour un autodidacte. Enfin, je serais un ingrat si je passais sous silence l’aide précieuse de Bernadette. Ma précédente compagne m’incita à la lecture, Bernadette à l’écriture.
Mes premières expériences, en matière d'ateliers proprement dits, m’auraient plutôt incitées à passer outre. Contrairement à l’expérience positive du blog qui m’a beaucoup conforté dans cette envie, qui me vint avec l'âge, de laisser des traces. Et puis la retraite se révèle être un formidable outil, pour toute personne qui estime ne pas être arrivée au bout de son destin. À condition que cette fin d'activité n’arrive pas trop tard !
Bonne continuation à vous et merci

La Fièvre dans le sang

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