Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Au rive gauche
9 novembre 2011

La critique n'est pas aussi aisée qu'on le dit !

L'art et la révolution
(Lettre à la rédaction de "Partisan Review")
Vous m'avez aimablement proposé de donner mon opinion sur la situation actuelle de l'art. Je ne le fais pas sans hésitation. Depuis mon livre Littérature elittérature-et-révolutiont Révolution (1923), je ne me suis plus jamais préoccupé des problèmes de la création artistique et je n'ai pu suivre que par à-coups les faits nouveaux qui se sont produits dans ce domaine. Je suis donc loin de prétendre que ma réponse puisse avoir un caractère exhaustif. Cette lettre a pour but de poser correctement le problème. D'un point de vue général, l'homme exprime dans l'art l'exigence de l'harmonie et de la plénitude de l'existence — c'est-à-dire des biens les plus précieux dont la société de classe le prive. C'est pourquoi toute œuvre d'art authentique porte toujours en elle une protestation contre la réalité, protestation consciente ou inconsciente, active ou passive, optimiste ou pessimiste. Chaque courant artistique nouveau a commencé par la révolte. La puissance de la société bourgeoise s'est exprimée pendant de longues périodes de l'histoire en ce qu'elle a su combiner la pression et l'exhortation, le boycott et les flatteries, pour arriver à discipliner et assimiler chaque mouvement artistique "rebelle" et l'amener au niveau de la "reconnaissance" officielle. Chaque "reconnaissance" de cet ordre signifiait finalement l'approche de l'agonie. Alors, de l'aile gauche de l'école légalisée, ou d'en bas, des rangs de la nouvelle génération de la bohème créatrice, montait un nouveau mouvement rebelle qui, après un certain temps, gravissait à son tour les degrés de l'académie. C'est ce chemin qu'ont suivi le classicisme, le romantisme, le réalisme, le naturalisme, le symbolisme, l'expressionnisme, le mouvement décadent, etc. Cependant, l'union de l'art et de la bourgeoisie ne resta sinon heureuse, du moins stable qu'aussi longtemps que la société bourgeoise fut en pleine ascension, aussi longtemps qu'elle se montra capable de maintenir le régime politique et moral de la "démocratie", non seulement en lâchant la bride aux artistes et en les gâtant de toutes les manières, mais encore en accordant quelques aumônes aux sommets de la classe ouvrière, en apaisant et en domestiquant la bureaucratie des syndicats et des partis ouvriers. Historiquement, il faut placer tous ces phénomènes sur le même plan.
Le déclin actuel de la société bourgeoise provoque une aggravation insupportable des contradictions sociales. Elles se transforment inévitablement en contradictions individuelles et rendent par là encore plus brûlante l'exigence d'un art libérateur. Le capitalisme décadent apparaît pourtant absolument incapable d'offrir les conditions minima de développement aux courants artistiques qui répondent en quelque manière à notre époque. Il y a une crainte superstitieuse de chaque mot nouveau car ce n'est pas un problème de corrections et de réformes qui se pose à lui, c'est le problème de la vie ou de la mort." Léon Trotsky
La suite dans >> Lire encore

La-guerre-de-l'opiumJe n'avais pas relu les textes ci-contre et autres de Trotsky, ni ceux des autres dirigeants du mouvement ouvrier révolutionnaire, lorsque des étudiants de "l'école des beaux-arts" m'interviewèrent dernièrement (voir Étienne à la Rhodia). Avec pour thème : les rapports entre culture et classe ouvrière, au sein de l'usine Rhodiacéta à Besançon. Je tenais essentiellement à me démarquer des autres interviewés, plus estampillés syndicalement dealexandre-serafimovitch gauche que moi.
Toutefois, j'eus depuis longtemps le net sentiment que les rapports entre : culture et prolétariat ne peuvent se limiter à une accession aussi aléatoire que passive des ouvriers à une idéologie, dont les classes petites-bourgeoises se repaissent. Comme si le choix se résumait à s'imprégner de l'idéologie de la bourgeoisie finissante (à l'image de son capitalisme lui-même) à laquelle les classes moyennes (condamnées par le développement historique) s'accrochent désespérément, comme à une religion.
J'avais simplement en tête que l'influence de l'idéologie bourgeoise sur les ouvriers ne passe que par leurs organisations syndicales. Lesquels, écrivit Trotsky, ne sont que "la courroie de transmission" des idéaux bourgeois au sein de la classe ouvrière. Contrairement aux idées reçues.
Ces étudiants et leurs professeurs avaient en tête les vidéos "des groupes Medvedkine", parrainées par Kris Marker, à propos des grèves de Rhodiacéta et de Peugeot Sochaux. Activités filmées, dites culturelles, sur la base des quartiers ouvriers davantage qu'au sein de l'usine même
Par trop misérabilistes, à mon sens, je ne me reconnus pas dans les descriptions que ces militants cégétistes, surtout, firent de leurs conditions de vie, de travail de même que de leurs rapports aux autres. A dessein si on les suit, on en arriverait à confondre misère et exploitation capitaliste. Apolitique sur le fond, le seul recours qu'ils nous offrent est de revendiquer, de se battre certes, mais en défendant la démocratie bourgeoise que celle-ci bafouerait, un galimatias en somme. Envolés, les désirs de révolution ! Une chatte n'y retrouverait pas ses petits. dimitri-fourmanov
Il est vrai que la solidarité n'est désormais plus devenue qu'une qualité spécifiquement ouvrière. Par opposition à l'avidité économique de la bourgeoisie, de même que face à l'individualisme petit-bourgeois. Cependant, le mutualisme, le militantisme, le bénévolat enfin sont autant de comportements désintéressés non pas étrangers à la bourgeoisie montante. Et qu'on retrouve encore chez elle, mais de manière éparse.
Et puis, Mai 68 est passé par-là ! Un mois devenu quasi historique, au cours duquel la petite-bourgeoisie estudiantine "découvrit" la classe ouvrière, au point de s'en faire une nouvelle idole. Adulation très naïve, à laquelle la fraction dite "de l'aristocratie ouvrière" se montra sensible. Au point d'imiter dans ses goûts et autres aspirations artistiques cette petite-bourgeoisie, toujours hésitante à faire un choix définitif entre la grande bourgeoisie et la classe ouvrière.
D'un point de vue de classe une culture, un tant soit peu ouvrière, se doit d'être critique vis-à-vis de celle de la classe qui l'exploite. C'est ce que j'essayai de communiquer à ces jeunes qui, en bons petits-bourgeois, me parurent relativement détachés de l'objet même de leurs travaux. Encore quelques plans d'austérité, à la grecque, à la portugaise, voire à l'italienne et nous les verrons mieux disposés face à la réalité. Et plus, si affinités !
C'est à l'école du trotskysme seulement que j'appris ce que les révolutionnaires socialistes firent de la culture bourgeoise bien comprise. Et m'y accrochai comme un beau diable. Voir encore : "La critique de la critique-critique, contre Bruno Bauer et consorts". De Marx et d'Engels dans : La sainte famille !

Commentaires
Au rive gauche
Visiteurs
Depuis la création 73 460
Derniers commentaires