Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse !

"Le cadre des contes
Ceux que le folklore intéresse ont depuis longtemps remarqué que les poésies et les rondes enfantines ne sont souvent que les derniers vestiges d'anciens rites religieux. Certaines « comptines » ont dû être autrefois des incantations magiques, et le jeu de colin-maillard et de «Chat» sont des souvenirs d'antiques cérémonies au cours desquelles des victimes étaient désignées pour les sacrifices humains.
Les rites prirent fréquemment jadis la forme de pantomimes ou de pièces de théâtre ; les jouer était en soi une action rituelle. L'année qui finissait et le Nouvel An, l'Été et l'Hiver, la Pluie et la Sécheresse se livraient généralement un simulacre de combat pour établir leur domination sur la terre. Les rois se mariaient, étaient déposés ou mis à mort pour symboliser, par leurs propres vicissitudes et leur «passion», les tribulations de leurs sujets; et lorsque ces rites dramatiques se déroulaient, des chants les accompagnaient, ou bien des récits mystiques, afin d'expliquer l'action et la faire passer d'un plan individuel au plan universel... Puis, tout passa dans la tradition populaire; il s'y introduisit des apports étrangers; les traits et les motifs d'un mythe se greffèrent hardiment sur un autre, des chansons et des complaintes s'y mêlèrent pour atténuer la monotonie du récit, et cela aboutit à... ce que vous présente ce livre.
En lisant ces histoires, on doit donc se rappeler que derrière leur signification actuelle il s'en cache souvent une autre, plus primitive et plus étrange; c'est ici qu'intervient pour vous éclairer la méthode comparative; car le degré de désintégration n'est pas partout le même; et en comparant tel conte à d'autres du même type, il est souvent possible d'en retracer les étapes successives et de retrouver par là sa signification première. «L'Arc céleste», par exemple, semblerait remonter à un mythe des saisons destiné à expliquer la stérilité de la terre pendant le temps où le Chasseur (Orion) disparaît du ciel et où l'Arc céleste n'est plus visible..." Théodore H. Gaster.

Aujourd'hui nous poursuivrons notre quête en direction des origines communes à toutes les religions connues, reconnues ou non. Autrement écrit : à propos du mysticisme religieux ou non, lequel s'observe encore à toutes les époques de l'humanité.
Seule façon, qui sait ? de nous affranchir de ce point de vue pour le moins illusoire, naïf, puérile, infantile et fantastique, si toutefois c'est véritablement possible. Car il semble, en effet, que nous ayons une propension, si ce n'est une prédisposition, à aimer écouter des histoires qui nous font rêver, à défaut de nous faire oublier notre destin de mortel. Quand nous ne nous les inventons pas nous-mêmes.
Désireux de comprendre d'où nous venait ce fond mythologique, où il n'est question que de troupeaux, de brebis égarées, d'exploits guerriers, d'assassinats, que sais-je encore ? je me tournai vers la littérature non pas proprement religieuse ni athée, mais spécialisée dans l'histoire des religions, toutes confondues. Car il m'a toujours paru paradoxal que l'on continue à vouloir nous faire croire à des historiettes datant de plusieurs milliers d'années.
Or, plus on remonte dans le temps écrit et plus on retrouve des modes ou schémas de pensées identiques à conditions économiques, politiques, culturelles et sociales égales. Sans grand ordonnateur à l'origine, il se pourrait bien qu'il y ait tout de même eu un certain déterminisme historique.
C'est ainsi que l'idée d'un dieu unique, à forme humaine et créateur de l'univers dans son entier en à peine moins d'une semaine de travail, est apparue très tardivement. À moins que cela ne soit que le reflet d'une société sédentaire, hiérarchisée et centralisée. De ce point de vue, les combats entre Caïn et Abel, entre David et Goliath, le déluge, la lutte entre le bien et le mal et tout le saint-frusquin n'apparaissent plus que comme autant de schématisations, d'abstractions voire de paraboles, ainsi que nous le disait notre curé, destinées à éduquer, duper, mystifier et dominer des peuples toujours prêts à se soulever. Dieu est mort !  >> Lire encore