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Au rive gauche
22 mai 2011

Un père dû !

Image1_289"Quelque chose a dû se passer qui a imposé à l'humanité d'intervenir sur sa sexualité. Du récit de Freud nous retiendrons une idée essentielle, l'idée que la société a son origine dans une manière proprement humaine de gérer, collectivement et individuellement, la sexualité, le désir, en excluant le recours à la force, à la violence pour satisfaire le désir. Ce que nous choisissons donc de garder de Freud, sans entrer dans un débat sur le caractère imaginaire ou réaliste de l'hypothèse du parricide originel, c'est l'idée que quelque chose a dû se passer au cours de l'évolution de l'humanité qui a amené l'homme à intervenir consciemment sur sa propre sexualité, sur son corps, son être intime, intimité qui est en même temps rapport à l'autre, aux autres de même sexe ou de sexe différent. Et cette "chose" qui s'est passée a dû être telle qu'une fois survenue, elle n'a plus cessé d'exister et donc d'exercer sa présence et ses effets de façon permanente, continue, pendant toute l'évolution, en fait toute l'histoire ultérieure de l'homme et ceci jusqu'à nous. Car "ce" qui s'était passé avait fait entrer l'humanité dans une voie nouvelle, une forme unique d'évolution, la voie de l'histoire. Ce fait est devenu par sa présence et son action incessantes un fait transhistorique (et non pas anhistorique) et appartient désormais à l'essence même de l'homme.
Mais cet "événement", qui a dû se passer et n'a pas cessé depuis d'exister et de se reproduire, n'est pas, selon nous, le meurtre du Père ou d'un père. C'est quelque chose qui relève non pas du meurtre, mais du sacrifice. Quelque chose a dû nécessairement être sacrifié de l'être humain pour que celui-ci continue de vivre en société, pour qu'il se reproduise comme être social. Et cette part de lui-même qu'il lui a fallu sacrifier, nous dit Freud, appartient à sa sexualité. Quelque chose qui est présent et agissant dans la sexualité humaine s'est avéré incompatible avec la reproduction consciente de son être social, de ses rapports sociaux et a été refoulé, maintenu et contenu au-delà des limites de la conscience."

la_chambre_du_fils_film_copiePeut-être suis-je en train de "rencontrer" le fils que je n’ai pas eu, en la personne de Christophe, le fils de mon frère décédé récemment. Auquel dernier je pourrais, d’une certaine manière, me substituer ; après avoir été moi-même le fils spirituel d’Abel, père du premier cité ! Juste retour des choses, qui sait ? En réalité, cela dépend davantage de mon neveu que de moi. Toujours est-il que je me sens réhabilité dans une fonction, qu’à la suite de leurs mères, mes propres filles me dénient actuellement. Au fond, n’est pas père qui veut. Cela demande un certain nombre de circonstances favorables.
La disparition de mon frère aîné remet à l’ordre du jour la fonction paternelle si malmenée en ces temps de féminisme à outrance. Les cartes paraissent être redistribuées, entre nous les frères cadets. Conformément à l’ancienne tradition qui voulait que tous les oncles soient appelés «pères», au même titre que le géniteur lui-même. Et puis adultes déjà, les fils de Christophe frappent eux aussi à la porte. Condamnant précipitamment leur père à un rôle transitoire, auquel celui-ci ne pourra échapper.
Voilà qui m’amène à ce que j’entendis marmonner, presque bredouiller ces trois derniers jours, au sujet de ce que d’aucuns appellent : notre passage sur terre. Le sacré arrivant au secours de l’obscurantisme, avec l’efficacité qu’on lui connait. Le mort n’a pas fini d’être un commerce lucrativement intéressant. Et scandaleux par la même occasion.
Voici qui n’est pas sans me rappeler de livre de Remarque : L’obélisque noire ! En pleine période d’inflation galopante en Allemagne, l’art et la manière de faire des économies étaient d’anticiper au maximum tous les achats, des pierres tombales compris. Contrairement aux commerçants qui eux tentaient de les retarder au maximum. Démontrant ainsi la vanité du commerce, si besoin est !
Expression que mon frère aurait assurément déniée. Lui qui, comme notre père, vénérait au-delà du nécessaire les espèces sonnantes et trébuchantes. Perpétuant ainsi une tradition toute familiale, qu’il aura su transmettre aux siens ! Amen.   >> Lettre à Abel


La chambre du fils - Palme d'or Cannes 2001

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