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Au rive gauche
15 juin 2014

Fais du feu dans la cheminée, je reviens chez nous.

Melville copie

"Moi et ma cheminée, têtes grises et vieux fumeurs, nous habitons à la campagne. J'ose même dire que nous y devenons d'authentiques autochtones ; et particulièrement ma cheminée qui s'y enfonce un peu plus chaque jour. Bien que je dise toujours : "Moi et ma cheminée", comme le cardinal Wolsey avait coutume de dire : Moi et mon roi, cette égotique façon de parler où le Moi conserve la préséance sur ma cheminée est loin de correspondre à la réalité. En toutes choses, en effet, à l'exception de la phrase susdite, c'est ma cheminée qui a la préséance sur moi."

Consigne
L’auteur le dit lui-même, ce texte pourrait signifier la préséance de son moi sur la cheminée qui lui importe ! Encore que dans la réalité ce puisse être l’inverse. Et vous ? : Soit en fonction de la citation toute entière, soit à partir d’une expression de celle-ci, voire d’un mot seulement, qu’est ce que cela vous rappelle ou vous inspire-t-il ?

>> La contribution de Chantal

messagers-copieMa contribution
Ma-maison copieDe vieilles maisons il y en a toujours chez moi, bien qu’elles ne soient plus habitables. S’il y avait encore de vieilles cheminées lorsque j’étais petit, il n’y en a plus désormais. Elles ont toutes été détruites, exception faite de celles qui ont été classées monuments historiques.
Comme on le voit ci-contre, la vieille maison de mes aïeux était englobée dans la nouvelle. Sans toutefois avoir disparu. De sorte que nous disposions de la nouvelle cuisine, dans laquelle nos vivions comme dans un séjour, puis de la vieille cuisine, attenante à l’étable, transformée en aire de stockage d’aliments pour bétail. Une vieille chaudière, dans laquelle cuisaient les aliments pour les bêtes, crachait sa fumée dans la vieille cheminée. Tout était vieux dans cette partie de la maison.
Pour ma mère, cheminée rimait avec "feu de cheminée". Historiquement, les incendies redécoupèrent le village, modifièrent son architecture et marquèrent la mémoire collective. De mitoyennes jusqu’au 18e siècle, les maisons s'isolèrent les unes des autres consécutivement au dernier incendie général. Tétanisée par sa phobie du feu, ma mère se refusait à pousser le seul feu de la maison, dans sa cuisinière. En conséquence de quoi, la chaleur produite par l'étable (environ 16 degrés), tempérait davantage la maison que le seul foyer, source de chaleur. Même si notre chambre à nous les enfants était traversée pour le tuyau d’évacuation de la cuisinière, autant dire qu’elle n’était quasiment pas chauffée. À la cheminée et aux fours traditionnels, s’ajoutait le fumoir - local où l'on fumait les viandes - à l’instar d'un tué ou thuyé dans le Haut-Doubs. Il s'agissait d'y maintenir une certaine quantité de braises incandescentes seulement, faute de quoi des flammesSouvenirs-d'égotisme copie lécheraient la viande pendue, feraient couler la graisse et de ce fait brûlerait le cochon en entier. Ce qui n’était pas rare. La multiplication des boulangeries annihilera les fours à pain. "Du temps de mes parents, me racontait ma grand-mère, ceux-ci ne faisaient du pain que deux fois l'an". À l'instar des lessives, que tous faisaient sécher "au champ d’avis". Un lieu bien exposé, là où les villageois s’assemblaient, palabraient avant l'édification des mairies.
Qui disait "foyer" disait forcément corvée de bois, réservée aux enfants et qui devenait rapidement source de discorde, puis au final la punition idéale. De même qu’empiler le bois au grenier lors des longs hivers. 
De sorte que l’idéal passéiste du feu de bois crépitant dans la cheminée, avec le journal, une pipe bien bourrée, le chien à ses pieds - comme dans le Guépard - nous paraissait n'être qu'un idéal égotique de citadin ou d'aristo nostalgique.
D’égotisme tout au long de mon enfance - au sens psychologique ou philosophique de laisser parler son moi -, il n'en fut jamais ouvertement question.
Tandis qu'il ne s'agissait que de se répandre soi-même, dans toutes les conversations. Le bon sens paysan, près de chez nous.
"Vivement le chauffage central et au diable la mélancolie", était ce à quoi nous aspirions.
Autrement écrit : Vive le progrès !

 

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