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Au rive gauche
25 mai 2014

Bon dieu d'bon dieu, y a plus de saison !

 logo-atelier-écritureAntonov

Les Pommes Antonov
"Je me souviens d'un beau début d'automne. En août, il était tombé de petites pluies douces, juste à point pour les semailles ; il avait plu quand il le fallait, à la mi-août, vers la Saint-Laurent. Et l'on dit bien : "Eau câline et pluie fine à la Saint-Laurent, automne et hiver cléments." Puis, à l'été de la Saint-Martin, les toiles d'araignées avaient envahi les champs. C'est bon signe aussi : "Toiles d'araignées à la Saint-Martin, automne serein." Je me souviens d'un petit matin calme et frisquet... Je revois le grand verger, tout doré, encore un peu humide, et dégarni ; je revois les allées d'érables, je me souviens du parfum délicat des feuilles mortes, mais par-dessus tout... de l'odeur des pommes Antonov, une odeur de miel et de fraîcheur automnale."
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La météo est sans nul doute un des sujets de conversations des plus répandus. De surcroît apolitique par excellence, il offre des variations à l’infini tout en se répétant néanmoins. Comme si chacun s’exerçait à avoir raison, gratuitement, contre les autres. Et puis, il suffit d’observer la place que l’annonce de la météo a prise dans nos journaux télévisés, pour s’en faire une petite idée. Au reste, les prédictions sont de plus en plus pointues, valables jusqu’à quelques jours près. En dehors ou au-delà du temps qu’il va faire, qu’en dites-vous, vous-mêmes ?

>> La contribution de Mélanie - 11 ans
>> La contribution d'Olivier

L'arbre-aux-sabotsMa contribution
"Quel temps veut-y faire ?" Telle était la question qui souvent revenait, chez moi, lors des fenaisons et des moissons. Comme si le temps voulait faire beau, comme on voulait aller à la foire, à la messe etc. La réponse à cette question avait inévitablement des conséquences sur la conservation des récoltes, si on se trompait. Une moisson pas sèche et c’était : la poussière à gogo, lors du battage en grange. Si elle ne pourrissait pas tout simplement sur place. Par ailleurs, il y a encore aujourd'hui des incendies de fermes en automne, causés par une fermentation excessive du fourrage. Surtout, dirais-je, avec les balles à haute pression, à l'intérieur desquelles le feu consume le stock, jusqu'à tordre les charpentes métalliques. Le feu, ainsi que les orages hantaient ma mère, qui n’hésitait pas à nous réveiller la nuit, afin que d'être prêts à toute éventualité. À l’exception d’une fois, où après un décompte tardif, ils s’aperçurent qu’il en manquait un ! Et c’était moi, m'avouèrent-ils plus tard !
Hors période de fauchaison, mon père se levait vers les 5 h 30 du matin. Il allumait le feu, faisait le café et allait donner à manger aux bêtes, puis il revenait prendre son premier petit-déjeuner traditionnel avec pain, beurre confiture, lait et café, où il était rejoint par ma mère. Ensuite tous deux allaient traire les vaches. Jusque là, si les choses allaient bon train, ils ne se disaient pas grand-chose.
Les prévisions météorologiques, je le répète, ne venaient sur le tapis qu'au cours du second petit-déjeuner pour les hommes, celui-là - breakfast à l’anglaise avec beefsteak, œuf sur le plat, lard, mouillotte etc -, que nous prenions mon père et moi vers les 8h30, après la prière. Car si on ne rechignait pas à la tâche chez nous, il n’était cependant pas question d’y aller le ventre vide. Dès mes 14 ans, mon père m’appelait vers les 6h du matin, me chargeait de curer l’étable de même que d’effectuer d’autres travaux annexes. Je livrais le lait à la fruitière puis rejoignais mes parents pour notre seconde collation, je le répète.La-grande-fauchaison
Mais revenons à la météo ! En réalité, il s’agissait de déterminer s’il fallait aller faucher le lendemain matin ou non. Chacun de mes parents avait ses propres repères : le cinquième ou intuitif sixième sens exclusivement féminin était l'apanage de ma mère. Le baromètre et les prédictions de la radio Suisse Romande suffisaient à mon père, avec plus ou moins de bonheur pour tous deux.
Il y avait là une prise de risques, sur laquelle ma mère trouvait matière à contester les choix de mon père. L’autel de la castration maternelle, si vous préférez, sonnait comme la revanche de ma mère sur son destin sexué. L’idéal pour aller faucher était de le faire avec la rosée du matin. Ce qui au bas mot signifiait se lever dès 4h30 du matin, atteler les chevaux, puis ne pas traîner en chemin. Être un homme, pour moi, c’était se lever aux aurores.
Impuissant s'il en était un, le curé trouvait néanmoins le moyen de s'en mêler. Avec les rogations, nous processionnions, nous priions pour que les récoltes fussent abondantes, pour que vienne la pluie lors des sécheresses, contre les épidémies et cætera. Il s’agissait avant tout d'expier nos fautes, à nous les hommes. Et puis, comme si tout ça ne suffisait pas, il y avait ce puits Fenoz et ses inondations, déjà mentionnées dans les cahiers de doléances en 89, que des pluies abondantes faisaient ressurgir de dessous terre et reprendre leur cours géologique millénaire.
Tout ceci se résumait à la question fatidique pour le lendemain. "Jean, crois-tu qu’il faille aller faucher demain matin ?" Et le dialogue de sourd commençait.
Avec l'implicite menace que mon père entendait déjà, au cas où il se serait planté :
"Tu vois Jean, je te l’avais bien dit, qu’il ne fallait pas faucher" Amen !


Commentaires
N
Il est clair qu'il beaucoup agréable de lire ton texte que d'être un auditeur. Formidable ! ça me donne envie de lire et relire ce blog .<br /> <br /> A bientôt
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