Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Au rive gauche
24 août 2011

Et mon adolescence passa ! (J. Brel)

Columcille
"Les livres islandais expliquent qu'ici, en ce pays, des gens des îles britanniques sont venus s'installer en des temps anciens et qu'ils ont laisségens_independants_livre derrière eux des croix, des cloches et autres objets dont on se sert pour pratiquer la sorcellerie. Les sources latines donnent le nom de ces hommes qui ont navigué jusqu'ici depuis les îles Britanniques aux premiers temps de la papauté. Leur chef était Columcille l'Irlandais, un sorcier de grande renommée. En ce temps-là, le sol d'Islande était d'une fertilité extrême. Mais lorsque les Norvégiens vinrent s'y installer, les sorciers britanniques furent contraints de quitter le pays : les écrits anciens rapportent que Columcille aurait, par vengeance, frappé de malédiction ces envahisseurs, décrétant, entre autres choses du même genre, qui, en grande partie et selon toute apparence, se sont réalisées depuis, que jamais ils ne prospéreraient dans ce pays. Bien plus tard, les Hommes du Nord venus en Islande se détournèrent de leurs justes croyances et s'abaissèrent à embrasser les idolâtries de nations qui n'avaient aucun rapport avec eux... Des nombreuses histoires qui se répandirent sur le compte de cette petite ferme isolée sur la lande, la plus remarquable remonte sans aucun doute à bien longtemps avant le bailli Jon et il vaut la peine de la retracer pour le plaisir de ceux qui auraient l'occasion de voyager le long de la rivière où les siècles se côtoient, par les sentiers plus ou moins couverts d'herbe qu'ont frayés les chevaux du passé..., au milieu des marécages où la ferme se tenait autrefois... Ce ne peut guère avoir été plus tard que vers la fin de l'épiscopat de Mgr Gudbrandur qu'un couple habita Albogastadir sur la lande.
Ce couple ne prospéra guère, pour commencer, et il n'avait pas grande domesticité. La légende dit que cette femme, à cause de leur indigence et de leur nombreuse progéniture, avait forcé son mari à abandonner leurs enfants nouveau-nés... On se mit à chuchoter sur la mort du mari de Gunnvör et sur la manière dont elle assassinait les gens, certains pour leurs biens, d'autres pour leur sang et leur moelle - comment elle chevauchait à leur poursuite dans les montagnes...
Toute turbulente que maîtresse Gunnvör ait pu être de son vivant, elle se mit à dépasser de loin sa mauvaise conduite initiale après son inhumation...
La saga raconte que finalement on fit appel au pasteur de Raudsmyri pour en venir à bout, et que, devant son admirable savoir, elle prit la fuite et pénétra dans la montagne, fendant celle-ci à l'endroit où l'on voit une faille à présent..." L'auteur

Pelle_le_conquerant_filmLa lecture de Gens indépendants de l'Islandais Halldor Laxness, m’a particulièrement enchanté et intéressé. Plus précisément l’enterrement, non pas de Courbet, mais de l’épouse de Bjartur le héros sans que cela ne débouche sur une tristesse de mauvais aloi. Tout au contraire.
Parmi les gens accourus pour l’occasion, chacun se bat pour faire entendre sa voix, précise l’auteur. C’est exactement ce que je ressens dès qu’il m’arrive de rencontrer quelqu’un de mon village, me disais-je par association d'idées ; ou, lorsque je repense à ce qui se produisait au cours de mon enfance, là où les gens se rencontraient. C’est-à-dire : sur le parvis de l’église, devant la fromagerie, à l’occasion d’une manifestation telle qu’un comice ou encore une foire aux enchères, etc.…
Mais, le meilleur était encore à venir. Puisqu’une fois cette dame ensevelie, le narrateur nous transporte au sein d’une masure de paysans. Où un petit garçon se réveille un peu avant les autres membres de sa famille, par un beau matin d’hiver. La maison résonne encore des ronflements du père, ainsi que des mille et un bruits occasionnés par la grand-mère qui s’active autour du fourneau à faire le café. C'est ainsi que, dans la perspective de tromper son attente, ce petit garçon se met à observer, pour la Xe fois, les éléments qui constituent le plafond, idem pour les ustensiles de cuisine, qu’il anime pour l’occasion. En s’inspirant de tel ou tel trait de caractère de ses proches. Il emprunte les voix de celui-ci, ou de celle-là, afin de faire parler ces objets inanimés. Un véritable régal ! La détresse de ce petit garçon n’échappe absolument pas au lecteur. Mais, cette narration est truffée de tant de clins d’œil à ce qui constitue le folklore populaire, qu’on en oublie presque le côté dramatique de la chose.
En cette circonstance, laisse à penser l’auteur, l’imagination est reine, les préjugés de même. Le fictif, autrement dit le monde des croyances, le dispute sans cesse au réel ! C’est en quelque sorte un rêve éveillé, dont l’enfant en question ne veut pas forcément voir la fin. Cet auteur semble savoir de quoi il parle. Cette allégorie d’une vie de paysan n’est jamais lassante. Très poétique, la narration est bourrée de poèmes et autres rimes, qui tombent toujours à propos et ne lassent jamais.
Je me voyais moi-même, à tuer ainsi le temps, chez moi, dans la chambre du haut réservée aux enfants. Qui de ce fait m'aurait paru immense, si, je le répète, elle n’avait pas été l’unique pièce où nous dormions à huit, dans quatre lits différents. De grands portraits d'ascendants trônaient, le long du mur, au-dessus de nos têtes. Il y avait là, si mes souvenirs sont exacts, l’oncle Albert décédé d’une péritonite, au cours de la Seconde Guerre Mondiale, une tante de ma mère et religieuse, ainsi qu’un troisième personnage dont le nom m’échappe. D’apparence relativement austère, ils me faisaient plus peur qu’autre chose. Et hantaient mon imaginaire à n’en pas douter. Ceci pour dire que si le roman en question nous conte une histoire relativement lointaine de ce que je connus moi-même, elle ne m’en est pas moins rendue très proche, familière presque, grâce au talent et à l’étendue des références culturelles de l’auteur : prix Nobel de littérature en 1955, ne l’oublions pas. Et je m’en tiendrai là à ce sujet. >> Lire encore

Commentaires
Au rive gauche
Visiteurs
Depuis la création 73 454
Derniers commentaires