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Au rive gauche
3 juin 2012

Si nous sommes tombés parterre, c'est la faute à Hugo !

 

La légende de Victor Hugo. P. LafargueLafargue
"Le premier juin 1885 Paris célébrait les plus magnifiques funérailles du siècle : il enterrait Victor Hugo il poeta sovrano. Pendant dix jours, la presse tout entière prépara l'opinion publique de France et d'Europe. Paris, un instant ému, par la promenade du drapeau rouge et les charges policières du Père Lachaise, qui revivifiaient les souvenirs de la Semaine sanglante, se remit à ne s'occuper que de celui qui fut "le plus illustre représentant de la conscience humaine". Les journaux n'avaient pas assez de leurs trois pages — la quatrième étant prise par les annonces, —pour exalter "le génie en qui vivait l'idée humaine". La langue que Victor Hugo avait cependant enrichie de si nombreuses expressions laudatives, semblait pauvre aux journalistes, du moment qu'elle était appelée à traduire leur admiration pour "le plus gigantesque penseur de l'univers", on recourut à l'image. Une feuille du soir, à court de vocables, représenta sur sa première page, le soleil plongeant dans l'océan. La mort de Hugo était la mort d'un astre. "L'art était fini !". La population, brassée par l'enthousiasme journalistique, jeta trois cent mille hommes, femmes et enfants, derrière le char du pauvre qui emportait le poète au Panthéon, et un million sur les places, les rues et les trottoirs par où il passait. Un vélum noir voilait de deuil l'Arc de Triomphe de la gloire impériale ; la lumière des becs de gaz et des lampadaires filtrait, lugubre, à travers le crêpe ; des couronnes d'immortelles et de peluches, des portraits de Hugo sur son lit de mort, des médailles de bronze, portant gravé : Deuil national..., enfin tous les symboles de la douleur désespérée avaient été réquisitionnés, et pourtant la multitude immense n'avait ni regrets pour le mort, ni souvenirs pour l'écrivain : Hugo lui était indifférent. La foule houleuse et de belle humeur témoignait bruyamment sa satisfaction du temps et du spectacle ; elle s'enquérait du nom des célébrités et des délégations de villes et de pays qui défilaient pour son plaisir ; elle admirait les monumentales couronnes de fleurs portées sur des chars ; elle applaudissait les fifres des sociétés de tir, déchirant les oreilles de leurs airs discordants."
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Les-misérablesÉdito
Nous ne le répéterons jamais assez, mais il faut lire, relire et faire lire ce pamphlet de Paul Lafargue, au sujet de ce que l'on doit retenir ou non de l'œuvre comme de la vie de Victor Hugo. N'en déplaise aux Hugoïstes bisontins qui, pompeusement toujours, viennent de lui rendre un hommage aussi mensonger que vain, à l'occasion du deux cent dixième anniversaire de sa naissance. Gloire usurpée de la ville, Victor Hugo ne compte pas moins de deux statues à son effigie, un lycée et une place à son nom. Victor Hugo n'est cependant pas ce qu'on pourrait appeler un véritable bisontin, contrairement à Pierre-Joseph Proudhon (un vrai "bousbot", celui-là) qui lui, au contraire, a vu sa statue disparaître des rues. Il en va des gloires comme pour le reste, elles s'éteignent un jour. Et celle de Victor Hugo n'y échappera pas elle non plus. Il n'empêche, il est significatif que nos édiles municipales le choisissent comme porte-drapeau, loin au-dessus des frères Lumière (inventeurs du cinéma), plus haut encore que Considérant et Fourier tous deux penseurs socialistes, dirons-nous. Une vénération quiParesse-et-révolution surpasse celle que l'on pourrait en revanche accorder à Proudhon - que la postérité fit passer pour un anarchiste outrepassant ce qu'il aurait dit de lui-même - et à Pasteur lui-même enfin. Finalement on aime ceux à qui l'on ressemble ou à qui nous nous identifions, c'est bien connu maintenant. C'est ce que je me disais, tout en lisant P. Lafargue, moi qui ai le privilège de connaitre personnellement quelques-uns des plus chauds Hugoïstes, ici à Besançon.
Des écrits de Victo -Hugo, j'en lus quelques-uns, avec difficulté toutefois. Et c'est par le cinéma qui adapta quelques-uns de ses romans les plus populaires, que j'en pris initialement connaissance. Des personnages de ses romans tels que Jean Valjean, Thénardier, Gavroche me fascinaient par certains côtés. Moi, le jeune ouvrier à la recherche d'une solution définitive et quelque peu fantastique à ma problématique quotidienne.
BlanquiCertes, l'évêque "des Misérables" me paraissait illustrer au mieux les limites de l'humanisme hugoïste. Sans que je ne sois en mesure de comprendre sur quoi tout cela repose, ce à quoi la lecture de Lafargue contribue. À l'opposé du premier cité, la figure cynique d'un Thénardier, petit roi de la pègre, ne m'était guère plus odieuse que celle de Javert, policier au zèle outrancier. Tandis que le forçat Jean Valjean, revenu à la vie, m'autorisait secrètement tous les espoirs et dépassements de ma condition. Car un jeune ouvrier, emprisonné dans ces bagnes modernes que sont devenues les usines, est moralement prêt à "presque tout" pour y échapper ou l'éviter. C'est la raison pour laquelle les jeunes des quartiers - dits en difficulté et accoutumés à la débrouille individuelle - ne sont plus une catégorie sociale ni exploitable, ni corvéable à merci. On ne les y prendra plus, en somme. C'est la raison pour laquelle tous les politiciens qui déclarent doctement vouloir donner des petits boulots mal payés aux jeunes, passent pour des cons. Le SMIC est dérisoire à côté de ce que gagne un jeune qui se "débrouille" et roule en BMW. Concurrence oblige !
Lorsque je lisais P. Lafargue quant aux festivités qui accompagnèrent  les obsèques de Victor Hugo, je pensais aux fêtes dîtes de la musique. De même au sujet du rôle que jouèrent les médias dans l'élaboration de sa légende, j'y vis des analogies avec la dernière campagne électorale. Les images d'Épinal "tirées du sac", à propos des sieurs : Mélenchon, Hollande, Marine, etc, prévalurent. Elles subsistent encore dans les têtes, à gauche et n'étaient que le fait de la presse qui, elle, avait choisi son camp depuis longtemps. Moralité : Victor Hugo, les medias et la gauche ne sont pas des nôtres !
À bas tout ce cirque !

 

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