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Au rive gauche
26 août 2011

Il faut bien que jeunesse se passe (Corinthiens)

"En 1774, à Leipzig, à l'occasion de la foire d'automne, le libraire Weygand publiait un mince roman par lettres de cent cinquante pages. Titre : Lessouffrances_du_jeune_werther_livre Souffrances du jeune Werther. Pas de nom d'auteur. ; Les autorités locales, alertées, constatent que cet ouvrage fait l'apologie du suicide, qu'il est immoral; elles en interdisent la vente. Vaine précaution. Peut-être même le scandale et l'interdiction contribuent-ils au succès initial de l'ouvrage, à sa rapide et bientôt prodigieuse diffusion. On apprend que l'auteur est un jeune avocat de vingt-cinq ans, le Dr Gœthe de Francfort. Ce nom devient universellement célèbre... La publication de Werther est un évènement, au-delà même de la seule histoire littéraire. C'est une date dans la civilisation européenne.
À Paris, capitale du monde civilisé, Louis XV, jadis surnommé le Bien-aimé, meurt de la petite vérole dans l'indifférence générale... Paris s'intéresse à bien autre chose. Paris est en effervescence à propos de tout, à propos de rien. Paris cause, Paris discute, Paris écrit, Paris lit. À Paris, tout le monde lit, comme le constate un voyageur allemand du temps... 
Du chancelier au cordonnier, tout le monde a la fureur de l'imprimé, on y cherche les lumières de la philosophie. Les Lumières : terme maçonnique. Il y a en France des centaines de loges maçonniques, dont le grand maître est le comte d'Artois. On y rencontre le marquis de Bouille, La Fayette retour d'Amérique, la princesse de Lamballe (dont la tête charmante finira au bout d'une pique), des savants, des artistes, des avocats, des prélats. Dans ces sociétés de pensée, on concilie la foi et la raison, la liberté et l'autorité, l'égalité et les distinctions sociales. On propage les idées nouvelles. Mais celles-ci ne sont pas l'apanage des classes dites cultivées. Les idées se diffusent partout, à travers le pays entier, par exemple à partir de ces points d'éclatement et de redistribution que sont les relais de la poste aux chevaux. C'est que les maîtres de poste eux aussi lisent, parlent à tout le monde, diffusent nouvelles et brochures. L'un de ces maîtres de poste, Drouet, orientera le cours de l'histoire en arrêtant à Varennes le roi en fuite, sachant fort bien ce qu'il faisait.
À Paris, les boutiques de libraires ne désemplissent pas. On écrit, on recopie, on imprime, on fait circuler les pamphlets publiquement ou sous le manteau. Outre les imprimeurs attitrés et dûment contrôlés, il y a des imprimeries clandestines un peu partout, et d'abord dans les dépendances des châteaux princiers. Le journalisme littéraire fleurit. Extrait de la préface de Pierre Bertaux.

amadeus_filmParmi les seniors, ainsi qu'on les appelle pudiquement aujourd'hui (ils sont si nombreux, qu'on les ménage), toutes et tous devenus nostalgiques voire mélancoliques avec le temps, beaucoup de ceux-ci en arrivent à déplorer haut et fort les capacités presque infinies dont fait montre la jeunesse à enterrer le passé. Le nôtre, plus précisément et tout ce qui va avec ! Ceci, parce que le présent parait lui appartenir, sans parler de l'avenir. Or, nos vieux ont oublié un peu vite que leur tour vint, puis passa, il n'y a pas si longtemps.
Cependant, à y regarder de plus près, c'est davantage le besoin que celle-ci d'exhiber ces prédispositions surtout, qui leur devient insupportable, devrions-nous dire. Quant à tout bouleverser, c'est encore une autre chose. Peut-être même la jeunesse aura-t-elle besoin d'un petit coup de main.
Bref, les terrasses de café résonnent quotidiennement des échos du genre : "quand on voit ce qu'on voit et qu'on sait ce qu'on sait..." Sans doute nos parents eurent-ils les mêmes réflexes pour le moins conservateurs et réactionnaires, mais nous étions devant et vogue la galère,  pensions-nous. Rien n'y fait cependant, si les générations passent, la tendance illusoire à vouloir le retour du passé fonctionne encore et toujours à plein. Telle une religion, inconsciente ! Bref, rien n'est plus vrai que les paroles (inspirées de Corneille) que nous chante Brassens : "Peut-être que je serai vieille, Répond Marquise, cependant j'ai vingt-six ans, mon vieux Corneille, et je t'emmerde en attendant".. Toujours est-il que l'histoire, même la petite, semble se répéter.
Or, il est bon et consolant de se remémorer les échos (sans Internet ni téléphonie mobile) que provoqua la sortie du livre ci-dessus. Oser idéaliser le suicide (attitude propre à la jeunesse) à une époque aussi lointaine, religieuse et conservatrice que ne l'était celle de l'Europe du XVIIIe démontre que les choses étaient en train de changer. Cela relevait plus du défi que d'autre chose encore. Et démontre à souhait que la révolution ne sortait pas de nulle part.
En conclusion, la jeunesse a toujours été un des fers de lance de la révolution. Rien qu'à voir les images, il se pourrait bien que les jeunes aient pris une part importante dans les évènements qui bouleversent le Moyen-Orient. Et nous n'avons pas encore tout vu.  Et vive la jeunesse ! >> Lire encore

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