Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Au rive gauche
2 septembre 2011

"Que diable allait-il faire dans cette galère ?"

De l'orviétan pour le grand-père...
"Assis dans un fauteuil, le père Poquelin se reposait de sa journée de travail. Il s'enquit de l'endroit où le grand-père avait mené son enfant préféré. Moliere_livreÉvidemment, ils étaient allés au spectacle, à l'Hôtel de Bourgogne... —  Qu'est-ce qui vous a pris de l'emmener tout le temps au théâtre ? Vous ne voulez tout de même pas en faire un comédien ? Le grand-père posa son chapeau, casa sa canne dans un coin, garde quelque temps le silence, puis dit :
— Plaise au ciel qu'il devienne un jour un acteur comme Bellerose. Le tapissier à la cour ouvrit la bouche. Se tut. Puis demanda si le grand-père parlait sérieusement... Selon Louis Cressé, si l'on peut vouloir devenir semblable au comédien Bellerose, pourquoi alors ne pas aller encore plus loin ? On peut marcher sur les traces d'Alison et faire des grimaces sur la scène en jouant, pour amuser les foules, les vieilles marchandes comiques... C'est vraiment là une carrière admirable pour le fils aîné d'un tapissier à la cour que, grâce à Dieu, tout Paris connaît ! C'est les voisins qui en feraient des gorges chaudes, si le jeune Baptiste, monsieur Poquelin, qui a droit au titre de laquais du roi, se retrouvait un jour sur les planches ! Dans la corporation des tapissiers, les rates se dilateraient ! — Excusez-moi, dit doucement Cressé. Pour vous, le théâtre ne doit donc pas exister ?
Le théâtre doit exister. Cela, même Sa Majesté — que Dieu lui prête longue vie — l'admet. L'appellation de "Troupe du Roi" a été décernée à la troupe de l'Hôtel de Bourgogne. Tout cela est fort bon... On peut aller encore plus loin. Si l'on ne peut pas entrer dans la troupe de Sa Majesté — car il n'est pas donné à tout le monde, messieurs, d'être un Bellerose, qui a, dit-on, vingt mille livres rien qu'en costumes — pourquoi ne pas aller jouer à la foire? — Excusez-moi, je plaisante, dit Poquelin, mais je suppose que vous aussi vous plaisantiez, non ?
"Drôles de gens que ces Cressé ! pensait le tapissier à la cour en se tournant et se retournant dans la pénombre de son lit. Dire une telle chose devant un enfant! C'est délicat, mais il aurait fallu répondre au grand-père que ce sont là des plaisanteries stupides." II n'en dort pas. Sa pauvre femme, la première, avait aussi ses lubies, et elle aussi adorait le théâtre..." L'auteur


moliere_filmJ'étais encore un jeune ouvrier au sein de l'usine Rhodiacéta, lorsque j'assistai au spectacle donné par "la troupe du Théâtre du Soleil" au palais des sports de Besançon, en ces années 69/70. Il s'agissait d'une pièce d'Ariane Mnouchkine dénommée : Molière. Laquelle l'adaptera pour le cinéma par la suite, à moins que ce ne fût l'inverse. Peu importe !
Sous l'égide du CCPPO (Association pour le développement de la culture, au sein de la classe ouvrière), doublée de celle du Comité d'entreprise de l'usine, j'entrai de plein pied dans l'espace de la culture bourgeoise. Sans y comprendre encore grand chose, force m'est de le dire. Ce Molière de même que cette troupe d'artistes recelaient beaucoup de mystères pour moi. Lesquels ne m'apparaitront clairement que bien plus tardivement. Il se disait en effet beaucoup de choses au sujet des Mozart, Molière, Shakespeare et autres génies de ce genre, sans que je ne me montrai capable d'en tirer quelques enseignements que ce soit. Mis à part une certaine admiration pour ces intellectuels petits-bourgeois qui paraissaient s'y retrouver. Ce qui, toutes proportions gardées, était une fausse piste pour le militant ouvrier révolutionnaire que je souhaitais devenir.
Il n'empêche, tout cela n'était pour moi qu'une étape, apparemment aussi nécessaire que provisoire, en direction de l'engagement politique qui allait être le mien jusqu'à récemment. J'en veux pour preuve que celles et ceux qui prenaient ce retour aux sources de la culture bourgeoise pour du bon pain, se retrouveront comme un seul homme dans le train de la gauche, en 1981. Après avoir milité, comme des fous, pour le programme commun de la même gauche de même que pour leur accession aux affaires de la bourgeoisie. Qui, tous comptes faits, ne vit pas cela d'un très mauvais œil ! Et nous connaissons la suite. Aveuglés ou revanchards, les mêmes se préparent à nous remettre le couvert. Belotte et rebelotte en somme ! Néanmoins, la remontée (provisoire, qui sait ?) de la gauche actuelle dans les sondages ne s'accompagne pas des mêmes illusions que celles que trainait la comète Mitterrand au début des années 80. Disons que nous avons payé pour apprendre, n'est-ce pas ? Cependant, il apparait très nettement que les illusions ont toujours la vie plus dure que la réalité elle même. Point n'est besoin de spectacles ni de propagande pour les maintenir en vie. Elles s'auto-alimentent elles-mêmes à la manière de celles des joueurs du loto ou des petits boursicoteurs en bourse. Qui éternellement ou presque se disent : "ça n'a pas marché cette fois, ça marchera la prochaine !" L'espoir fait vivre les pauvres, depuis des lustres !
À moins que le vent ne tourne en faveur des opprimés, comme au temps de Molière. Lequel bourgeois était soutenu par le monarque le plus puissant du 17e siècle, sans que personne ne se doute que les aristocrates creusaient leur propre tombe et vivaient là leur dernier siècle de domination absolue. C'est au marxisme que l'on doit cette façon révolutionnaire de considérer l'évolution des rapports au sein des sociétés. Bien creusé, vieille taupe ! (Marx : à laquelle il compare l'activité révolutionnaire, en aveugle.) >> Lire encore


Commentaires
Au rive gauche
Visiteurs
Depuis la création 73 460
Derniers commentaires