Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Au rive gauche
1 septembre 2011

Les conseilleurs ne sont pas le payeurs !

"- Voilà bien trois jours déjà qu'un jeune homme vient chez toi tous les jours, matin, midi et soir et qu'il ne te trouve pas à la maison. Il faut absolument, à l'enun_conseil_avis__livre croire, qu'il te voie...
Sans doute un Auteur avec son "œuvre", pensai-je en m'installant à mon bureau ; à peine m'étais-je mis au travail, voici qu'on sonne ! La porte s'ouvre et quelqu'un, là-bas, se livre à de menus travaux, ôte ses caoutchoucs, tousse, se mouche - tous indices d'un Auteur. Ayant effectué à mon intention un très gracieux "la paix soit avec vous", c'est-à-dire reculé de quelques pas, fait une sorte de révérence tout en se frottant les mains l'une contre l'autre, il se présenta,
- Asseyez-vous ! En quoi puis-je vous servir ?
- Je viens à vous pour quelque chose de tout à fait urgent. Enfin, urgent pour moi, tout à fait urgent, au sens propre, on peut même dire une question vitale, vous seul, selon moi, pourrez le comprendre. Vous écrivez tellement que vous devez tout savoir, je pense, et que vous devez être expert en toute chose. C'est ce que je crois. Enfin, je ne crois pas, j'en suis convaincu. Je dévisage mon bonhomme : le type même du provincial éclairé, un Auteur. - Eh bien, montrez ce que vous avez là, dis je. Je pose ma plume, me carre dans mon fauteuil et je m'attends à ce qu'il tire de sa poche un bon petit tas de manuscrits, sûrement un roman en trois parties... À moins que ce ne soient de tout nouveaux Chants de Sion ? Là-bas vers la montagne le guide sa boussole... Là-bas où l'aigle prend son envol... Là-bas où le myrte entrouvre sa corolle... Là-bas où les prophètes foulèrent le sol... Et devant le Seigneur mit le genou au sol...
le jeune homme n'a pas mis la main à la poche... — Je suis venu jusque chez vous, vous demander un conseil, dit-il. Un homme tel que vous doit pouvoir me comprendre. Vous écrivez tellement que vous devez tout savoir... Et croyez-moi, ce que vous me direz, je le ferai ! Racontez, racontez ! lui fis-je, avec l'impression qu'on m'ôtait une pierre du cœur. - Personnellement, je suis un jeune homme, d'un petit bourg. C'est-à-dire, c'est même une ville, mais en face de votre cité, c'est un bourg... Hum... je m'occupe... c'est-à-dire, pour ce qui est de faire, je ne fais rien, je suis en pension, chez mes beaux-parents, mais ma femme et moi habitons ensemble, nourris et logés, parce qu'elle c'est une fille unique et ils peuvent sans peine se permettre de nous entretenir encore dix ans, parce que, voyez-vous, ce sont des gens aisés, on pourrait les qualifier de nababs..." Sholem Aleikhem

Retour_a_Howards_End_filmIl se dit, un peu hâtivement, qu'on ne peut aider véritablement personne. Ce qui est à la fois vrai et faux ! Nous pouvons le vérifier presque quotidiennement. Encore que les conseilleurs en tous genres ne manquent assurément pas.
Bref, le début des années 70 fut pour moi un des moments les plus difficiles de ma vie d'adulte. Or faute de conseillers, proches, désintéressés et avisés, je me tournai vers les auteurs, tels que Sholem Aleikhem ! "Mes livres pensent pour moi", a dit un auteur dont le nom m'échappe. J'en fis ma devise et n'eus jamais à le regretter ! Encore faut-il, me direz-vous, disposer des références qu'il convient d'avoir, faute de quoi l'exercice se transforme en un marathon interminable, stérile et fastidieux.
L'entourage militant est une véritable mine d'or à ce niveau. C'est, en dehors des profs, le milieu qui lit de manière la plus avisée, la plus critique et régulière. Ce, en dehors des voies officielles : c'est-à-dire des programmes scolaires. Lesquels ne sont jamais neutres, ni aussi indispensables qu'on veut nous le faire croire.
En somme, je me mis sérieusement à lire bon nombre d'auteurs dont le nom n'est cependant jamais cité par le corps enseignant. Tout en ignorant au surplus les quelques classiques scolaires qui, une fois retirés des programmes, tomberaient assurément dans l'oubli. Nonobstant de surcroît les livres dits intéressants, les succès de librairies et autres prix littéraires aux seules fins d'augmenter les tirages, ceux qui sont "bien écrits", voire à contre courant... que sais-je encore, je m'orientai doucement mais sûrement en direction d'auteurs qui, pour une raison ou une autre, ont marqué leur passage d'une pierre blanche. Ceux dont la marque est encore visible des dizaines d'années après leur disparition, ceux qui n'eurent pas besoin de publicité, mis à part le bouche à oreille dans ce labyrinthe que peut être l'industrie de l'édition, ceux que de petites maisons d'édition réédites etc.
Conformes aux modes du moment, les écrivains n'échappent pas, eux non, plus aux influences qui façonnèrent leur génération. Car, nous sommes davantage le produit de notre génération qu'on ne le présume jamais. C'est ainsi que j'eus toutes les peines du monde à m'arracher à l'influence de même qu'aux illusions issues des années post-soixante-huitardes. Lesquelles accouchèrent d'une génération sans père, déjà ! C'est bien connu aujourd'hui que nous avons tué le père en Mai 68 ! Et nous observons, stupéfaits, ce que ça donne aux troisième et quatrième générations après !
Sans doute est-ce une période historique déterminée qu'il convient de choisir, davantage que tel ou tel auteur aussi talentueux soit-il, si on ne veut pas être déçu.
Et puis enfin, il ne serait pas tout à fait juste de ma part d'oublier de signaler que j'appartenais à un groupe dont l'objectif était d'offrir un certain choix, à un public de lecteurs authentiquement curieux. Car, ce n'est pas le temps qui manque à celles et ceux qui résistent à la lecture. C'est la curiosité qui fait défaut ! Laquelle, il est vrai, est déjà un produit de notre personnalité, inconsciente. >> Lire encore


Retour à Howards end - trailer par enricogay

Commentaires
Au rive gauche
Visiteurs
Depuis la création 73 454
Derniers commentaires