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Au rive gauche
2 juillet 2011

C'est la fête au village !

Par moi l'on va vers l'éternelle souffrance,
Par moi l'on va chez les âmes perdues.
[...] Laissez toute espérance, vous qui entrez.
Dante, L'Enfer (chant III)le_village_livre

"La Porte de l'Enfer, dans la Divine Comédie, a l'obligeance de prévenir le visiteur de ce qui l'attend. Aucune mise en garde similaire n'orne la page de garde de l'ouvrage d'Ivan Alexeïevitch Bounine Le Village (1909)...
Là réside la singularité de l'ouvrage. La géhenne de Bounine possède deux cercles et cela le distingue du courant dominant de la littérature russe de son époque.
Il décrit, avec un soin du détail que la richesse de son style rend encore plus sinistre, la vie dans un village russe au tout début du XXe siècle, au moment de ces violentes révoltes populaires que l'on a appelé la "Révolution de 1905", monde misérable et crasseux, cruel et violent, haineux et velléitaire. En la matière, pourtant, il n'innove pas, sinon par le réalisme. La description de la misère des paysans, des pauvres et des va-nu-pieds fleurissait dans la littérature à vocation sociale de son époque...
Chez lui, la dénonciation de l'injustice s'accompagne de l'idéalisation des laissés pour compte dont il met en exergue la profonde humanité. Il rejoint ainsi un vaste courant qui, avec entre autres Léon Tolstoï voyait dans le moujik, le paysan russe, à l'instar de son personnage Platon Karataïev, dans La Guerre et la paix, l'incarnation de l'âme russe, innocente, naturellement bonne et pacifique.
Tel n'est pas le propos d'Ivan Bounine. Lorsque le prix Nobel lui fut attribué, en 1933, il envoya à l'académie de Stockholm, comme l'imposait la tradition, une courte autobiographie. En y mentionnant Le Village, il précisait ses intentions: "C'était la première d'une série d'œuvres destinés à peindre le Russe sans fard : son caractère, son âme, sa complexité originale, ses fondements à la fois lumineux et obscurs, mais presque toujours essentiellement tragiques... " Préface de Pierre Lorrain.

jour_de_fete_filmEn insistant aujourd'hui encore, au sujet de mon école communale, j'ai le sentiment que c'est toute la vie de mon village qui est ainsi évoquée. Ce, au cours de la période dite d'après-Seconde Guerre Mondiale. Mais, il ne saurait être aucunement question de rivaliser avec l'auteur ci-dessus. Ni par le style de celui-ci, unique en son genre ou presque, ni par le contenu. Lequel contenu se ressemble pourtant.
Car, tout ce qui touche de près à la paysannerie a quelques consonances identiques, que ce soit en Afrique, en Asie ou ailleurs, toutes proportions gardées cependant.
Certes, personne n'allait pieds nus chez moi. Mais, il y en avait de plus pauvres que les autres. Les enfants, par exemple d'un vieux monsieur pensionné de Guerre, si je ne me trompe. Quant aux ouvriers agricoles, la couche la plus démunie du prolétariat, ils demeuraient bien souvent célibataires et misérablement hébergés.
Le rationnement d'après-guerre n'avait plus cours, mais l'argent manquait tout de même. C'est à tout le moins le souvenir que j'en ai aujourd'hui. C'est ainsi que les fournitures scolaires paraissaient toujours trop chères à nos parents, qui ne pouvaient subvenir à tout. Fort heureusement, la tolérance des instituteurs arrangeait beaucoup de choses. L'école du village était scindée en deux. D'un côté de la maison communale, il y avait les petits et de l'autre les grands. À trois ou quatre frères et sœurs par classe, il nous était toujours possible de nous communiquer l'unique matériel dont nous avions besoin, à tour de rôle. Bref, "c'était l'école d'il y a longtemps" ainsi que mes petits-enfants le disent. Et il y a pire, aujourd'hui encore.
Toujours est-il que ce ne sont pas les paysans pauvres qui fournirent le plus gros contingent des bataillons révolutionnaires. L'avenir socialiste n'est pas une chose que puissent entrevoir des ruraux, aussi pauvres et exploités soient-ils. Contrairement à ce à quoi les jeunes citadins révoltés grecs aspireraient, à l'heure actuelle, pour peu qu'un parti le leur suggère. Car il ne suffit pas d'affronter la police, ni d'accrocher Sarkozy par le veston, pour décourager les bourgeoisies et leurs États, dans leurs velléités de nous serrer encore la ceinture. "Il faut sauver la Grèce", martèlent les politiciens de tous bords. Sans rien dénoncer, ni ceux qui la mirent en danger, ni ceux qui vont profiter à nouveau de ce plan de sauvetage ! En somme, la patrie serait en danger ! Parce que ses propriétaires jouent à la roulette russe, tandis que ses créanciers ne valent pas mieux. Et maintenant, c'est au peuple qu'on présente la note...

Vive la lutte du peuple grec!

Vive la construction du parti révolutionnaire de la révolution mondiale !
 

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