Les sorcières de Noël, de pâques, de la trinité !
LA NUIT DE NOËL
Le dernier jour avant Noël était passé. La nuit, une claire nuit d'hiver, était venue. Les étoiles parurent. La lune, majestueusement, s'éleva dans le ciel pour éclairer les gens de bien et l'univers tout entier, et pour que chacun eût plaisir à chanter des noëls sous les fenêtres et à glorifier le Christ. Le froid était plus vif qu'au matin ; mais en revanche, il régnait un tel silence, que le crissement de la neige sous les bottes s'entendait à une demi-lieue. Pas une seule bande de jeunes garçons ne s'était encore montrée sous les fenêtres ; la lune seule y glissait ça et là un regard à la dérobée, comme pour inviter les jeunes filles en train de s'attifer à sortir au plus vite dans la neige crissante. C'est alors que, jaillissant d'une cheminée, des volutes de fumée s'élevèrent comme un nuage dans le ciel, et, avec elles, une sorcière à cheval sur son balai."
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Consigne : Sans doute les sorcières ne sont-elles plus de notre temps.
Il n’empêche, à quoi ce texte vous fait-il penser spontanément ?
Ma contribution
"Noël, Noël, Noël, chantons tous Noël !" tel fut le leitmotiv de nos parents. Mystiquement parlant, Noël et Pâques étaient les deux temps forts de la fantasmagorie religieuse des miens. Puis, dans une moindre mesure toutefois, du village aussi.
Pour tout dire, la perspective des fêtes de fin d’année tout autant que de celles de Pâques ne me réjouissait que moyennement. Ce d’autant plus que nous assistions à une sourde guerre de tranchées entre celles du "petit Jésus" de notre sainte mère l’église et celles du "saint Nicolas" de la maîtresse. Lequel des deux apportait-il les cadeaux ?
Aucun, mon général !
Cela dit, chez moi, il y avait souvent de la neige à Noël, voire de la glace aussi. À tel point qu’il fallait la casser dans les fontaines publiques, afin d’abreuver le bétail. De ce point de vue-là, tout est conforme à ce que nous conte Gogol, des sorcières sortaient de même des volutes de nos cheminées, en fonction de notre imagination.
Dans les faits, c’était moins bien et beaucoup plus chaotique que ne le veut la tradition. Les conflits intra-parentaux prenaient le dessus, eu égard à ce qui aurait dû normalement se passer. Habituellement, notre mère faisait une brioche pour l’après messe de minuit, sauf une fois. Cette année-là elle décida qu’elle avait assez donné et mit fin à ses maternités. C’était ouvrir l’ère des conflits sexués, ceux du non-dit. Du point de vue de la distribution des cadeaux, les derniers de notre fratrie furent aussi bien servis que les premiers, comme les ouvriers de la dernière heure dans la parabole de l’évangile. Au reste, avant-garde et arrière garde bénéficièrent de circonstances beaucoup plus favorables que le contexte social et historique d’après-guerre rendit caduques. Nos parents tiraient la "ligousse". J’espérais néanmoins, sans trop y croire. Pour vivre.
Le sapin de Noël, trônant au milieu de l’école des petits, était une nouveauté de la commune. Sa préparation libérait quelques jours de farniente supplémentaires. Avec à la clef des friandises que nous n’avions pas à la maison. C’était toujours ça de pris. En revanche, la préparation de la crèche du curé ne nous donnait que du travail supplémentaire et pas de gourmandises. "Il n’y eut pas photo !" À la longue, je pris Noël en grippe.
Pour la Pâques qui, sauf erreur de ma part, ne commémore que l’exode des juifs, on nous rhabillait - avec un peu de chance et en insistant beaucoup, souvent en vain - de neuf. Ca n’a l’air de rien, mais de petits décrochages en petits décrochages, l’idée religieuse en prenait un sérieux coup. Tant et si bien que Noël avec ses inhérente injustices, puis l'obligation de faire ses Pâques seront mes premiers rendez-vous manqués, lors de mon affranchissement. Gâté ou non, rhabillé ou pas : J’abhorrai Noël, autant que Pâques !
À bas la calotte !