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Au rive gauche
2 avril 2014

Les patrons : une bande de cons !

atelier

 

Par une nuit d'automneL'apostolat-du-knout-modif
Sur la route détrempée, semblable à une rivière de boue liquide qui s'écoulait à travers les champs noirs, déserts, cheminait un paysan ivre. Le soir était déjà tombé ; un soir froid, noyé de pluie, un soir sordide de novembre. Du monde aveuglé s'abattait comme des pleurs une pluie interminable, qui transperçait ; les champs dénudés étaient vitreux, tant l'humidité les gonflait ; fossés et sillons étaient pleins d'eau, les arbres dépouillés de feuilles se penchaient inertes au-dessus de la route, tout tremblants de froid. Un silence de mort oppressait les champs détrempés. Le paysan marchait d'un bon pas ; il faisait de grandes embardées, butait du pied et jurait ; mais il marchait.
Tout à coup il s'arrêta et se mit à chanter d'une voix éraillée d'ivrogne :
        Ohé ! La jolie file !
        Ohé ! Le monde est ma famille !
        Et si la mort m'attrape,
        Ohé ! Pas moyen que j'échappe ! Ohé !
Mais le chant ne résonnait pas ; il se délaya dans l'air humide et s'évanouit dans les ténèbres. Une vague silhouette humaine qui se traînait à quelques dizaines de pas derrière l'entendit cependant, car elle s'arrêta une seconde et se rejeta peureusement de côté, dans l'ombre encore plus dense des arbres qui bordaient le chemin. Le paysan se remit en marche d'un pas rapide, mais il buta contre une pierre ou une racine et croula dans la boue comme un tronc d'arbre. Pendant longtemps on n'entendit rien, sinon le clapotis incessant, monotone de la pluie et le bruissement nerveux des arbres qui frissonnaient. Finalement l'ombre se rapprocha et se pencha au-dessus de l'ivrogne.
- Patron ! Patron ! murmura une voix basse.
>> Lire encore

Consigne
Vous pouvez soit poursuivre ce texte, soit nous dire ce à quoi il vous fait penser.

>> Lire la contribution de Chantal

>> La contribution d'Alain

Priez-pour-nous

Ma contribution
Cet homme à même le caniveau, patron de surcroît, ivre, bramant à la mort, me renvoie au calvaire de mon frère Marcel que mes parents envoyèrent en apprentissage dès l’âge de 14 ans. Ce, par une nuit d’automne, chez un artisan peintre en bâtiment que l’on découvrit rapidement alcoolique. Nécessités obligent pensèrent-ils, ils l’y laissèrent. Quelle légèreté de leur part ! Me dis-je aujourd’hui. Tandis qu’ils se refusaient à nous envoyer à l’usine, eu égard aux risques de nous mettre en contact avec un milieu communiste. L’incorrigible perversité d’un vieux monsieur leur parut plus banale que de nous voir perdre notre âme.
Certes, l’alcoolisme était banalisé depuis longtemps dans nos campagnes. Cependant, ce monsieur avait l’alcool plutôt mauvais.
Encore un enfant ou presque, Marcel a-t-il eu peur quelquefois ? Je ne l’écarte pas. Ce d’autant plus que les crises éthyliques de M David (c’était son nom) provoquaient de violents accrochages avec son neveu, qui lui ne tardera pas à quitter le navire en péril…Histoire-Passionnante-De-La
Je comprends mieux pourquoi Marcel n’eut rien de plus pressé que de se faire rejoindre par un autre de nos frères, arrivé en âge lui aussi d’entrer en apprentissage. A deux c’est mieux, n’est-ce pas ? Certes, il fallait que nos parents soient dans un grand désarois. Ou bien qu’ils soient accoutumés à prendre des risques corporels, ne serait-ce que parce qu’à leurs yeux, il fallait bien travailler. Le chômage était sans doute la chose qu’ils redoutaient, plus que d’avoir à souffrir pour garder un travail.
Nécessité faisant loi, les paysans de chez moi, comme ceux dont nous parlent Reymont, étaient prêts à bon nombre de compromis, voire de sacrifices.
La-jeunesse-d'une-ouvriereChez moi, on ne pouvait presque rien faire, même la chose la plus banale, sans avoir à se justifier illico presto. En revanche, on pouvait nous faire courir des risques énormes, inconséquents d'un point de vue humain, pourvu que ceux-ci ne soient justifiés. C’est-à-dire que ces faits entrent dans ce qui était communément admis. Du genre : effet moutons de Panurge. Je veux dire en fonction des préjugés ambiants. Celui entre autres de devoir gagner sa vie, par tous les moyens dits honnêtes. C’est-à-dire en se faisant exploiter. Au risque de perdre sa dignité.
"Cacher ce calice que je ne saurais voir" fait-on dire au christ crucifié et crevant de soif, afin qu'il ne succombe à la tentation. Une philosophie que mes parents appliquaient à ce qu’ils ne voulaient pas voir ! À moins que ça ne tombe du ciel !  À bas la calotte !
Voici de multiples choses qui différencient le milieu ouvrier du monde paysan. Exploités, les ouvriers prennent collectivement conscience de leur intérêt à prendre soin de leur physique. Ne serait-ce que sous l’influence des organisations et des traditions ouvrières.
J’avoue n’avoir pas été tout à fait affranchi d'une influence sacrificielle, lorsqu’en 1967 je regardais ébahi les ouvriers de Rhodiacéta se battre contre les cadences infernales, pour de meilleures conditions de travail.
À bas l'oppression, À bas l'exploitation !

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