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Au rive gauche
16 février 2014

Nous n'avons pas dit notre dernier mot !

 

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Le maître d'écoleCavalleria-rusticana
Chaque matin, avant sept heures, on voyait passer le maître d'école qui faisait sa tournée, de maison en maison, pour prendre les garçons de l'école : sa serviette dans une main, un gosse rétif suspendu à l'autre, et derrière, une nichée de marmots qui, à chaque arrêt, s'affalaient sur le trottoir comme des brebis épuisées. Donna Mena, la mercière, présentait toujours son petit Aloardo - dont elle ne faisait façon qu'à coups de taloche - fin prêt et propre comme un sou neuf, et le maître, plein de patience et d'affection, emmenait le chérubin qui hurlait et lançait des coups de pied. Plus tard, avant le déjeuner, il revenait avec un Aloardo tout crotté qu'il déposait à l'entrée du magasin, et il reprenait la main de celui avec lequel il était venu, le matin.
C'est ainsi qu'il passait quatre fois par jour, avant midi et après, tenant toujours par la main quelques gamins paresseux, et suivi des autres qui marchaient en cortège désordonné où se mêlaient indifféremment toutes les classes sociales, vêtements élégants et souliers percés. Cependant, le maître tenait invariablement à côté de lui l'enfant dont la maison était la plus proche, de sorte que chaque mère pouvait croire que c'était le sien…!
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Consigne
Une nouvelle, à l'intention de celles et ceux qui aiment à les poursuivre.
- Pour les autres, il leur suffit de nous à dire à quoi ce début d'histoire leur fait penser. Quel que soit votre choix, bon courage !

 Lire la contribution de Chantal

La-terre-tremble

Ma contribution
Après le curé, le maître d’école était notre seconde bête noire, pour nous petits paysans plutôt frondeurs et indisciplinés. Une insubordination qui allait jusqu’à résister à une hygiène élémentaire. Notre maîtresse ne tarissait pas d’éloges sur nos capacités intellectuelles, mais "ils sont sales", ajoutait-elle. Après avoir organisé quelques inspections des mains et des ongles, elle se résigna.
Les autorités du maître, du curé survenaient juste après celle du père. Il arrivait même que si ceux-ci sévissaient, le père n'en remette une couche lui-même, chargé de l’assentiment maternel. Cette adjonction d’autorités ne faisait pas de nous des écrasés ni des résignés. Tout au contraire, notre révolte se décuplait vers l’extérieur. Si je militai, avant d’écrire, c’est probablement dû à cela.
Sans égaler les conditions décrites par Verga, nos instituteurs à nous, apparaitraient comme des extraterrestres à nos petits-Les-malavogliaenfants d’aujourd’hui. Pédagogiquement, il n’est pas certain du tout qu’ils dépassaient de beaucoup ceux d’aujourd’hui en efficacité.
Les appréhensions qui étaient les nôtres à l’approche de la rentrée, n’ont rien à voir avec l’apparente acceptation du fait scolaire de nos petits, qui trouvent normal d’aller à l’école. Nous, nous avions peur de l’instituteur. Tandis que le curé se montrait, au contraire, plus démagogique. Un rien faux-cul !
Avais-je rêvé un jour que j’étais puni ? Toujours est-il que je me réveillai un matin avec le sentiment de ne pas avoir écrit les 20 lignes, dont il me semblait avoir écopé. J’appréhendais encore plus qu'à l'accoutumée le moment où je franchirais le seuil de la classe. Et puis, plus rien ! Sans nul doute n’était-ce qu’un rêve, voir un souhait. Qui sait ?
Un matin, tandis qu’il avait neigé toute la nuit, nous attendions comme de coutume que l’instit distant de 5km n’arrive. Nous pressentions néanmoins la probabilité que celui-ci ne puisse circuler, tant les routes étant impraticables. Nous jouions sous la surveillance de l’institutrice des petits, n’attendant Mastro-don-Gesuldoqu’un signal d’elle pour disparaître, telle une volée de moineaux.
Vaincue par le temps, elle n’eut toutefois pas terminé sa phrase «vous pouvez rentrer chez vous» que la silhouette de Monsieur Bourdin se dessinait sur un fond immaculé. Patatras ! Penauds, nous nous avouâmes vaincus. Ce monsieur avait pris un raccourci à pied, pas vaincu pour si peu. Je pense lui en avoir voulu.
Sans égaler, dis-je, les conditions sociales précaires de la Sicile du 19e siècle, deux guerres mondiales marquèrent la vie des gens, dans leur chair. Je pense aux rescapés de la grande guerre. L’un d’entre eux s’arrangeait toujours pour être là, lors de la petite récréation qui précédait la rentrée du matin. Son jeu favori était de nous mettre en rang, puis de nous faire marcher au pas. Je me souviens encore du halo d’odeurs que les tourbillons qu’il faisait faire à sa casquette dégageaient. Ce, afin de remettre dans le rang les petits malins qui faisaient mine de lui échapper. Nous "étions pliés en deux" par le comique de la situation. Face à face avec lui dans un champ, je crois pouvoir dire qu’il m’aurait fait peur.
Vive la lutte des classes !

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