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Au rive gauche
20 avril 2013

"Ce sont toujours les meilleurs qui s'en vont !"

Avant-propos de l'auteur Henriette-Jacoby
Qu'il me soit ici permis de raconter une histoire simplement parce que j'en ai envie... Je veux m'y perdre tout à fait en bavardages, m'y enfermer dans mes propres fils comme le ver àsoie dans son cocon… Mais écoutez. Car si je ne raconte pas cette histoire, il n'y aura personne pour vous la raconter, et il se pourrait qu'elle se perde, il se pourrait qu'elle devienne non avenue, et ce serait dommage. Ceux en effet qui eurent part aux événements n'en trahiront plus rien. Vous n'entendrez d'eux pas une syllabe à ce sujet ; car ils sont un peu taciturnes depuis qu'ils se sont, il y a quelques décennies, retirés des affaires de ce monde pour attendre sans être dérangés, dans la paisible et confortable contemplation d'eux-mêmes, le jour où, avec cordeaux et jalons, on tracera chemins et rues à travers l'îlot de solitude entouré de vagues de bruit qu'est leur actuel domicile, et où, à la place de leurs modestes monticules recouverts de lierre, entre lesquels, l'après-midi, les enfants se poursuivent, on entassera les bordures et les dalles de granit destinées à la construction des trottoirs. Elle est devenue légende, la vie de tous ceux dont je vais parler...
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L'auberge-rougePetit hommage posthume
Il ne m'est pas possible de laisser Odette nous quitter définitivement, sans dire quelques mots au sujet de notre histoire commune à elle et nous. Tant du point de vue de son rôle que de l'apport particulier qui furent les siens…. L'arrivée d'Odette, dans la vie de notre famille jusqu'à ce qu'elle se marie va changer énormément de choses. Quant à nous, les enfants "du Jean", nous ne nous le fîmes pas dire deux fois. C'est le sens qu'aujourd'hui je donne à la sympathie que nous avons immédiatement ressentie pour elle.Recensement Laquelle empathie dépassait de loin sa seule gentillesse, qui n'est plus à démontrer.
"Atterrissant" comme aide familiale dans notre famille exclusivement paysanne jusque-là, par tradition, Odette apportera ce que nous pourrions appeler une mentalité ouvrière. Avec, paradoxalement, tout ce que cela suppose d'ouverture vers la vie terrestre et non exclusivement tournée vers l'au-delà. Si toutefois l'éternité est possible.
Arrivant à vélo d'une des fermes de Crosey, afin d'aider ma mère en couches, Odette nous apportait un état d'esprit que je qualifierais "du bas" - autrement écrit de la vallée industrieuse du Doubs - où, "si on y travaille dur", c'est aussi pour en profiter de son vivant. Une conception en complète opposition à la nôtre "du haut", "cul bénit", autrement dit de la montagne, laquelle inclination faisait mine de croire que plus on travaillait et plus on priait. Sans doute Odette ne l'a-t-elle pas vu, ni vécu ainsi.
Si nous avons néanmoins toutes les raisons de considérer la génération d'Odette comme étant celle de l'après Première Guerre Mondiale, nous considérerons la nôtre comme celle de l'après Seconde Guerre Mondiale. Les premiers verront arriver l'eau courante sur les éviers, ainsi que la distribution d'électricité à l'intérieur de chaque maison. Tandis que la politique sociale et familiale - qui est en train de se rétrécir comme une peau de chagrin - ne verra le jour qu'à la fin de la Seconde Guerre. Toutes choses qui firent penser certains d'entre nous (dont Odette sans doute) à un progrès discontinu et acquis définitivement. Leurre que tout ça ! Gouvernement et Cahiers-de-Dolléancesprésident de gauche ou de droite c'est égal, pour la bourgeoisie dévoreuse de force de travail gratuite. Je passe sur les raisons qui - tant qu'elle et son mari exploitèrent la petite ferme familiale - firent qu'une collaboration quasi confraternelle s'instaura entre mon père et Jean-Marie, le mari d'Odette. Elle tint et résulta des liens étroits qui perdurèrent entre la Norine (ma grand-mère) et tante Erma, la belle-mère d'Odette. Comme une survivance du 19ème siècle, une époque où il n'était pas rare que des frères ne s'installent ensemble. Quand ils n'habitaient pas la même maison mitoyenne. C'est pourquoi mon père et son frère Marcel, déjà, démarrèrent ensemble de même que mes frères aînés aussi.
Ainsi, mon père considérait Jean-Marie (seul survivant d'une fratrie de huit enfants), comme un frère benjamin. À l'instar de Cécile Boiteux, notre tante à tous, qui glanait ou ramassait les quelques choux et betteraves qui "trainaient" dans les champs, pour les apporter à son "pauvre Jean-Marie…" Lequel en souriait gentiment.
Ceci pour dire, enfin, qu'Odette et nous-mêmes avons assisté à l'arrivée du modernisme à la campagne. Et conséquemment à la disparition d'un monde où la fraternité compensait relativement les difficultés de se lancer dans la vie, à défaut de l'existence. Et puis nos modes de vie se mirent à changer, à s'individualiser. Et petit à petit nous nous perdîmes quelque peu de vue. Il n'empêche, le jour où je me trouvai moi-même en difficulté, c'est du côté d'Odette que je me tournai et non pas en direction des miens, trop proches. Celle-ci accueillit ma fille, comme s'il avait été naturel qu'elle le fit. Sans forcément comprendre que je me trouvai un jour dans l'obligation de la rapprocher de moi.
Avec le temps tout va, avec le temps tout s'en va !  

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