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Au rive gauche
4 septembre 2012

"Nous sommes tous des juifs Polonais !" Lecture d'été (4)

Voyage_en_Pologne_citationPostface de Heinz Graber :
"Voyage en Pologne parut pour la première fois en novembre 1925 aux Éditions S. Fischer à Berlin. Il n'y a pas de datation plus exacte, et le texte lui-même ne donne que rarement de points de repère ; tout au plus les jours de fêtes religieuses mentionnées et les événements historiques permettent au cas par cas une précision temporelle. On trouve certes dans les papiers posthumes, parmi les notes, quelques feuillets munis d'indications de lieu et de temps ; mais la succession de ces dates est lacunaire et ne permet pas de savoir combien de temps l'auteur a séjourné dans chacune de ses stations, ni la durée totale du voyage. La date du commencement est incertaine, on ne peut que la supposer. D'après une indication contenue dans le texte, on peut déduire que Döblin a entrepris son voyage dans les derniers jours du mois de septembre (1924). Sur la date du point final, nous sommes mieux renseignés ; on a conservé une note du 24-25 novembre de l'hôtel de Dantzig où Döblin s'est arrêté pour la dernière fois avant de revenir à Berlin. Le voyage en entier pourrait donc avoir duré en gros deux mois. Döblin n'attachait pas une grande importance aux voyages et ne pensait pas qu'ils élargissaient l'horizon. Il lui semblait bien plus important d'étudier l'environnement le plus proche ; il s'intéressait lui-même constamment et avec intensité à son entourage. Son monde, c'était Berlin, où il résidait depuis 1888. Il ne voulait pas renoncer à Berlin ; dans cette ville seule il croyait pouvoir travailler. ("Je serais un menteur si je le dissimulais : je voudrais assez souvent m'échapper, mais l'argent manque ; toutefois, je reviendrais tout aussi souvent... ") Döblin ne quitta Berlin que très rarement et en général pour peu de temps. Une excursion à Prague, un voyage sur le Rhin, des vacances en France interrompirent peut-être le quotidien de sa modeste pratique de médecin employé par une caisse d'assurances dans les quartiers est de Berlin…"
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Train_de_vie_filmEdito : "À la demande générale", nous poursuivons aujourd'hui encore la narration des lectures que nous nous réservons pour la période dite "des vacances" chez nous. Comme si l'oppression, l'exploitation respectaient la trêve des confiseurs ! En réalité, "la vente continue pendant les travaux !" Ce d'autant plus que les vacances ont - depuis qu'elles ont été arrachées aux patrons - toujours été une période au cours de laqD_un_monde_qui_n_est_plus_livreuelle tombent les mauvaises nouvelles. L'essence, le gaz, l'électricité etc., augmentent comme à aucune autre époque de l'année. Disséminés un peu partout, réduits à nos seules forces individuelles, c'est là que nous sommes les plus vulnérables. Et puis, mis devant le fait accompli, la rentrée arrive et ça repart pour un tour !
Pour Döblin en revanche, l'objectif de son voyage en Pologne se résume à une tentative de résoudre sa question juive à lui. Ses parents arrivèrent de Pologne en Allemagne. Au fond, ce fut tout, sauf une promenade touristique. Point de ballades ni à la campagne ni à la montagne, il se limite à se rendre dans les villes là où il peut rencontrer des gens. Ce livre n'est pas un roman, ni la simple relation d'un voyage, pas davantage qu'un simple journal. Döblin nous livre, pas à pas, une succession d'impressions. Pour ces motifs, "Voyage en Pologne" n'a rien d'une détente, Döblin veut savoir ce qui s'y fomente du point de vue des juifs et de l'antisémitisme. Néanmoins, c'est le livre dans lequel Döblin parle le plus de lui, de sa famille. Et de ce fait, se trouve être l'ouvrage le plus autobiographique de tous. Lorsqu'il a un souvenir lié au judaïsme, écrit-il, c'est à sa mère qu'il pense. Döblin eut par ailleurs un problème avec son père qui, nous dit-on, a fui la maison pour une fille. La_dot_des_fianc_es_livrePour cette raison seulement, il eut, dit-il, le sentiment de faire partie des pauvres. Vis-à-vis desquels Döblin a une forte empathie. Il est de surcroît un "modeste médecin" de quartier à Berlin, très sensible à son milieu. D'où il tirera son roman emblématique "Berlin Alexanderplatz". Döblin est aussi frappé par le folklore, les rites et les traditions religieuses (à l'image des ultras en Israël, aujourd'hui) qui persistent en Pologne, alors qu'ils ont pratiquement disparus en Allemagne. La pauvreté des juifs et la haine que suscite leur communauté le surprennent tout autant. Döblin part en Pologne sans parler le polonais, tandis que l'allemand n'est pas non plus la langue des plus prisée dans ce pays. Et puis, Döblin n'était pas de ces gens qui font des voyages une initiation, ni de ceux qui considèrent que ceux-ci forment la jeunesse. En définitive, Döblin quittera le judaïsme.
D'aucuns y verront un livre politique. Or, Döblin ne se risque pas jusqu'à y faire des analyses, contrairement à ses précédents ouvrages au sujet de la révolution allemande. Néanmoins, l'approche de La Seconde Guerre Mondiale politise la vie quotidienne, comme la crise actuelle de l'€ commence déjà à le faire, dans les pays qui pour l'instant sont les plus directement touchés.
Döblin se réjouit du destin national retrouvé (mais bien provisoire) de ce pays. Un pays qui n'a recouvré une indépendance qu'après l'armistice de 1918. D'où un nationalisme exacerbé, sous la houlette du maréchal Pilsudski - dictateur et emblème du nationalisme polonais - dont Lech Walesa (leader des grèves aux chantiers navals de Gdansk en 1980) ne se démarquera pas, c'est dire ! L'armée rouge soviétique s'y cassa les dents en 1920, tandis qu'elle portait aide aux communistes polonais. Ce qui est une autre histoire.
A bas le racisme !

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