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Au rive gauche
27 mars 2012

"Y a rien de plus habile que les scieurs de long..."

Jacques Douai

Le développement du capitalisme en RussieOeuvres-completes-Lénine
IX. Le développement de l'industrie forestière et de l'industrie du bâtiment.
Le développement de l'industrie qui fournit les combustibles et de l'industrie du bâtiment est l'une des conditions nécessaires du progrès de la grande industrie mécanique (et l'un des corollaires les plus caractéristiques de ce progrès). Commençons donc par examiner l'industrie forestière.
L'abattage des arbres et les premières opérations destinées à les rendre propres à la consommation familiale est une des occupations traditionnelles de la paysannerie et entre presque partout dans le cycle des travaux agricoles. Mais ce que nous entendons par industrie forestière, c'est uniquement la préparation du bois pour la vente. L'époque qui a suivi l'abolition du servage est caractérisée par un essor particulièrement sensible de cette industrie et par une augmentation rapide de la demande en bois pour la consommation personnelle (développement des villes, accroissement de la population rurale non agricole, perte des forêts par les paysans au moment de l'émancipation) et, plus encore, pour la consommation productive. Le développement du commerce, de l'industrie, de la vie urbaine, de l'art militaire, des chemins de fer, etc., a provoqué un énorme accroissement de la demande en bois destiné à être utilisé non pas par les individus mais par le capital. Dans les provinces industrielles, par exemple, «ce n'est pas de jour en jour mais d'heure en heure» que le prix du bois de chauffage a augmenté et "au cours des cinq dernières années (vers 1881) il a plus que doublé". "Les prix ont monté à pas de géant." Dans la province de Kostroma, "depuis que le bois est utilisé dans les fabriques, son prix a doublé en 7 ans". Les exportations de bois à l'étranger sont passées de 5947000 roubles en 1856 à 30153000 roubles en 1881 et à 39200000 en 1894, ce qui nous donne l'augmentation suivante: 100 - 507 - 659. En 1866-68, on transportait en moyenne 156 millions de pouds de bois de construction et de chauffage sur les voies fluviales de la Russie d'Europe; en 1888-1890, 701 millions de pouds en moyenne, soit plus de quatre fois plus. Pour ce qui est de la quantité transportée par chemin de fer, elle est passée à une moyenne annuelle de 290 millions de pouds en 1888-90 tandis qu'en 1866-1868 elle n'était que de 70 millions (approximativement).
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Les-grandes-gueulesÉdito
Au-delà des quantités répertoriées, du rythme de travail imposé par la démesure des exploitations ainsi que du pays, des conditions climatiques excessives que nous ne connaissions jamais, d'une arriération sociale encore en vigueur etc., il existait toutefois un lien entre ce que je connus et les situations décrites - dans son ouvrage cité en référence - par Lénine. À la différence près que "nous étions plus en avance", dixit un étudiant chinois qui comparait la photo des écoliers de mon village natal (dans les années 50) avec la situation chinoise à époque constante.
Si, par exemple, les scieurs de long avaient disparu depuis longtemps déjà, leurs souvenirs étaient encore vivants dans la tête desMémoires-d'un-chasseur anciens de notre région. Mon père avait des souvenirs très précis du passage du sciage à la main aux scieries mécanisées. Quant à mes frères ainés, ils se souviennent très bien être allés dans les bois - en cachette des interdits parentaux - faire de subreptices visites aux quelques charbonniers qui, à demeure, fabriquaient artisanalement encore du charbon de bois. Le sieur Constant Laine - dernier témoin vivant de cette période au village que je connus -  hantait mes rêves d'enfant. Solitaire, cet homme vivait avec son chien, qu'il fallait affronter à chaque intrusion à son domicile. Un mode de vie à la robinson Crusoé, hérité de la période précédant sa modeste retraite. Être charbonnier, en effet, supposait une vie d'errance, paradoxalement. Condamné à une abstinence sexuelle que ces hommes, attachés à la glèbe, "dévoyaient" comme ils le pouvaient, tout en étant sujets aux addictions à vil prix, à savoir : tabagisme et alcoolisme. De cette époque déjà révolue, Constant Laine avait conservé une capacité à fabriquer (ou réparer) les paniers. Tel un Poil de carotte, mon père m'envoyait porter nos paniers à réparer, puis aller les rechercher chez lui. D'où mon drame ! Les bûcherons et les carriers peuplaient de même nos forêts. Nous entendions les mines, ainsi que Les-ames-mortesles arbres s'abattre. Ensuite vint la complainte, en écho, des tronçonneuses et leur cortège d'accidents gravissimes. Notre père évoquait souvent les pires conditions de vie de ces hommes (sans femmes, ni familles) venus d'ailleurs.
Sans tomber dans aucun misérabilisme, qu'il me soit permis de dire que "j'ai cassé des cailloux" aux côtés de mon père, sur les chemins vicinaux. De même que "j'ai coupé du bois" - en plus de l'affouage (droit de prendre du bois de chauffage dans une forêt communale; répartition de ce bois, part de ce bois qui revient à chaque affouagiste) - pour le compte de particuliers. À une époque où les affaires de mon père n'étaient pas au mieux. Dans ce contexte, l'artisanat du bâtiment nous offrira, à mes frères et à moi-même, une fenêtre de sortie, je le répète. Fils, petit-fils et arrière-petit-fils de travailleurs manuels, nous idéalisions le travail à la main, au point de ne pas envisager notre destin en dehors de celui-ci. Sans nous assimiler à des bêtes de somme, nous étions néanmoins formatés pour être exploiter, contents de l'être au surplus.
À une époque où les principaux candidats à la présidentielle nous vante "la valeur du travail", il est bon de redire que le travail salarié n'est pas plus épanouissant que l'oisiveté des ramasseurs de coupons. Mais, il fait plus de morts ! Car, on s'abrutit et meurt d'avoir trop travailler. Enfin, on ne nous la fera plus.
Et, s'il est dit qu'on puisse faire courir un cheval jusqu'à l'épuisement, on ne le peut pas d'un homme. Pas fou la guêpe !
Le travail, c'est l'oppression.


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