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Au rive gauche
6 novembre 2011

Indignés, levez-vous !

temps_maudits_livreLe drame du prolétariat français par Léon Trotsky (suite et fin)
"À ce moment entre en scène le membre du gouvernement provisoire Bordier-Dupatoy : démagogue expérimenté, esprit politique de médiocre qualité, mais d'instinct presque infaillible lorsqu'il s'agit d'endormir, de diviser, de corrompre la masse et suborner ses chefs.
Tout l'art de la contre-révolution française, depuis les hommes de Thermidor et d'avant, jusqu'à Aristide Briand, est à la disposition de Dupatoy, ce gros homme faux simple et faux blagueur, en manteau fourré de cocher. Il se glisse sans se presser à travers la foule des soldats, flaire et écoute, bavarde, flatte les insurgés, vante les chefs, promet, fait des reproches amicaux, prodigue les poignées de main, si bien qu'au moment déjà où il apparaît à l'entrée du quartier général révolutionnaire de Ledrux, l'énorme masse des soldats, las d'attente et d'inconnu, s'accroche à Dupatoy comme à une ancre de salut. Le visiteur indésirable salue le quartier révolutionnaire sur un ton de maître bienveillant et dispense à Ledrux des louanges perfides destinées à ruiner définitivement l'autorité du jeune tribun. Le phraseur Favrolles est déjà du côté du gouvernement provisoire. On n'entend plus parler de l'honnête Goutaudier. Les événements l'ont dépassé. Désorienté, il s'est perdu dans la foule aussi désorientée. Ledrux saisit le rythme des événements, mais déjà, devant la masse, il n'est plus comme le chef de la révolution, mais comme un héros de tragédie. Avec lui et autour de lui, il n'y a pas un groupement organisé d'hommes trempés, habitués à penser et à lutter ensemble, il n'y a pas un parti révolutionnaire. L'énergie non dirigée et non utilisée de la masse se retourne contre elle-même et l'empoisonne peu à peu du venin du découragement. Dupatoy est déjà solide. Il traduit dans le langage de la flatterie politique les doutes, les inquiétudes, l'alarme, la lassitude et le manque d'assurance des insurgés. Il a dans la foule ses agents à lui, payés ou bénévoles. Ce sont eux qui interrompent Ledrux, protestent, grognent, maudissent, et font ainsi l'écho nécessaire à Dupatoy. Dans le chaos de l'assemblée orageuse, un coup de feu éclate, et Ledrux tombe mort.
C'est l'apogée pour Dupatoy : Sur le cadavre de "son jeune ami" tombé, il prononce son éloge funèbre dans lequel, tout en notant avec indulgence ses erreurs et son excessive audace, il rend hommage à la pureté de ses intentions stériles. Cet abject persiflage lui concilie définitivement les plus rebelles. La révolution est défaite. La cause du gouvernement provisoire est assise. N'est-ce pas là le drame historique du prolétariat français ?
suite et fin dans   >>  Lire la suite


famille_semyaniki_theatreAujourd'hui nous en finirons avec la critique que Trotsky fit de "La nuit", une pièce de théâtre de Marcel Martinet. Ainsi que nous venons de la lire revo_derriere_porte_livreces jours derniers. Ce, dans une période historique où les jeunes pensent, voire croient, que nous n'avons jamais autant communiqué. Or, il n'est pas mauvais de ramener à la conscience de tous quelques œuvres qui valent leur pesant de cacahuètes, c'est plus que certain. Et nous ne nous lasserons pas de le faire encore, soyez-en sûrs.
Trotsky, nous l'avons vu, connaissait la situation française mieux que personne - à l'instar de Marx et d'Engels auparavant. Il faut dire que le prolétariat français méritait bien cette distinction, eu égard aux luttes qui furent les siennes au cours du 19e siècle ! Avant la révolution de 1905 en Russie, Paris passait pour la ville laboratoire de la révolution prolétarienne. D'où l'intérêt que lui portèrent les dirigeants révolutionnaires des Première et Seconde Internationales.
On le voit nettement dans sa critique, Trotsky déplore l'absence d'un parti révolutionnaire, tel que celui que Lénine construira de son côté. Et que Trotsky et ses amis rejoindront au cours de l'année 17. En somme, nous sommes revenus en-deçà de cette situation-là. Puisque la 3e Internationale a été transformée en une officine impuissante et stérile de la bureaucratie stalinienne et que les débris de la Seconde ne sont même plus reconnaissables dans ce que le parti socialiste nous offre à voir. Quant à la 4èchronique_jeunesse_berlinoise_livreme, dont la construction a été mise à l'ordre du jour par Trotsky avant d'être assassiné, elle n'est pas encore sortie de ses langes.
C'est pourtant la tâche qui nous attend. Car, sans direction révolutionnaire digne de ce nom au cours d'une révolution, nous dit Trotsky, les qualités individuelles des meilleurs révolutionnaires se fondent dans un magma aussi vain qu'héroïque ! Et la défaite peut parfois être grosse d'une situation pire qu'avant la révolution, telle que celle que nous décrit Sombart. Car après la révolution, vient toujours la contre-révolution, comme une punition historique (Clara Zetkine). Et l'histoire en reprend pour plus de 50 ans. Mais rien n'est fatal, fort heureusement.
Pour en revenir à l'actualité, les Grecs ne savent pas encore à quelle sauce la haute finance va essayer de les manger. Toujours est-il que les politiciens grecs sont plus que jamais préoccupés par leur destin politique, profiter de la situation les obsède plus que la situation de leurs concitoyens. En conséquence de quoi, ça manœuvre sec dans les coulisses. Papandréou (le Hollande grec) ne sait ni comment ni à qui "refiler" un bébé sacrément empoisonné, sans pour cela griller ses chances de pouvoir revenir. Comme sauveur de la nation, qui sait ? On nous a déjà fait le coup, n'est-ce pas ?
Les regards, nous dit-on maintenant, seraient tournés en direction de l'Italie, là ou Berlusconi s'accroche tout en espérant que les problèmes liés à "la dette" nous fasse oublier les siens. Toujours est-il que ça donne un os à ronger aux journalistes, en attendant. Sarkozy, enfin, a les yeux braqués sur 2012. Il joue au président bonapartiste, c'est-à-dire au-dessus des classes. Mais, n'est pas Napoléon qui veut, d'une part ! Et puis, il faut encore que la situation l'exige, d'autre part ! Quant aux indignés, qu'on a délogés de La Défense, ils le seront encore plus demain !

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