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Au rive gauche
1 novembre 2011

"Monte en l'air mon ami…" (Brassens)

Litterature_revolution_livreUN NOUVEAU GRAND ÉCRIVAIN
"Il est bon que sur terre il y ait non seulement la politique, mais aussi l'art. Il est bon que l'art soit inépuisable dans ses virtualités, comme la vie elle-même. Dans un certain sens, l'art est plus riche que la vie, car il peut agrandir ou réduire, peindre de couleurs vives ou, au contraire, se limiter au fusain, il peut présenter un seul et même objet de différents côtés et l'éclairer de manière variable…
La forteresse Pierre et Paul et les autres prisons tsaristes m'ont rendu le roman français tellement proche, que par la suite, j'ai suivi, plus ou moins bien, les nouveautés remarquables de la littérature française. Même pendant les années de guerre civile, dans le wagon de mon train militaire, je lisais un roman français récent. Après mon exil à Constantinople, je rassemblai une petite bibliothèque d'ouvrages français contemporains, qui brûla avec tous mes livres en mars 1931… Trop d'événements importants ont passé au-dessus de notre terre, en partie aussi au-dessus de ma tête… Un auteur que je ne connaissais pas, Jean Malaquais, m'a envoyé son livre, qui porte un titre énigmatique : les Javanais. Le roman est dédié à André Gide, ce qui me mit un peu sur mes gardes. Gide est trop loin de nous, ainsi que l'époque à laquelle s'accordaient ses recherches lentes et confortables. Même ses œuvres récentes se lisent — bien qu'avec intérêt — plutôt comme des documents humains sur un passé définitivement révolu. Cependant, dès les premières pages il m'apparut que Malaquais ne subissait en rien l'influence de Gide. L'auteur est dans tous les domaines indépendant ; c'est ce qui fait sa force, force particulièrement précieuse à notre époque, où la dépendance littéraire sous tous ses aspects est devenue la règle… Les Javanais sont le premier roman de l'auteur ! Cependant, à lire ce premier ouvrage une pensée s'impose aussitôt : il faut retenir le nom de Malaquais. L'auteur est jeune et aime passionnément la vie… Aimer la vie de l'amour superficiel du dilettante  n'est pas un grand mérite... Aimer la vie les yeux ouverts, sans faire taire sa critique, sans illusion, sans l'enjoliver, l'aimer telle qu'elle est, pour ce qu'il y a en elle, et plus encore pour ce qu'elle peut devenir, c'est d'une certaine manière un exploit. Donner une expression artistique à cet amour de la vie, quand on peint la couche sociale la plus basse — c'est un grand mérite artistique."      
>>  Suite de l'extrait d
ans Lire encore.


Affreuxs_sales_m_chants_filmCe jour, eu égard aux plus courageux d'entre nous, nous allons poursuivre encore avec le Trotsky "critique littéraire". Et quelle critique, mes amis ! Jean Malaquais eut la bonne idée (à moins que ce ne soit que de l'opportunisme) de faire parvenir un exemplaire de son premier roman à Trotsky. Et voici, dans son intégralité ou presque, ce que le vieux en fit : Lire encore.
Les_Javanais_livreCertes je n'ai pas l'intention de vouloir y ajouter quoi que ce soit. Disons toutefois qu'une analyse plus psychologique (voire psychanalytique) de la personnalité de ce baroudeur, qu'était assurément Malaquais, ne nuirait en rien ni à la valeur artistique de ses œuvres, ni au militant qu'il était. Tout au contraire et nous permettrait de comprendre l'évolution ultérieure du personnage (et non de l'écrivain), postérieurement à la parution de son roman. Si ce n'est d'anticiper celle-ci. L'aventurier Malaquais, enfin, transparait à la lecture de ses romans. Plus précisément à la place qu'il accorde à la prise de risque, de même qu'au goût immodéré dont il fait montre à ce sujet. Propension psychologique (masochiste parfois) pour la nouveauté que tous les militants partagent avec les artistes, plus que certainement. Au point qu'il est parfois difficile de distinguer le choix conscient de son versant hystérique inconscient. Dès lors, tout l'art du recrutement organisationnel est, à mon sens, de parvenir à ne pas mélanger les deux genres. C'est ce qui me valut d'être, plutôt plus que moins, écarté du groupe au sein duquel je militais. Mais, la route est encore longue.
Néanmoins que l'on m'accorde que des personnalités aussi originales que marginales se "piquent" de vouloir changer les choses, à défaut sans doute de pouvoir se changer elles-mêmes. Sans que ces deux volontés ne s'opposent ni ne s'identifient le moins du monde. À condition toutefois que l'on sache en distinguer les contours, de même que leur articulation possible, si toutefois il y en a une. Tout est loin d'être ni acquis seulement, ni inné exclusivement. Ceci dit, sans le moindre souci de renvoyer dos à dos ces deux concepts, à l'instar de tout individu incapable de trancher.
journal_de_guerre_livreEn réalité, toute rébellion adolescente individuelle ne débouche pas nécessairement, ni forcément, sur un désir de faire la révolution sociale. C'est même le contraire qui arrive, lorsque cette révolte névrotique se retourne contre "le moi". En ce sens, la psychanalyse a toujours été la bête noire des milieux politiques engagés. A tort ou à raison d'ailleurs. Au point qu'il a fallu que je prenne des distances, afin de me donner une chance d'y voir un peu plus clair dans ce fourre-tout qu'est la psychanalyse.
Or, sans y consacrer plus de temps qu'il ne le put, Trotsky s'y intéressa lors d'un de ses passages à Vienne. Tout en reconnaissant les aspects intéressants de cette approche "révolutionnaire" de l'évolution humaine inconsciente, il reconnut le manque de pertinence de son jugement. Néanmoins, avant Février 1917, Trotsky conseilla à son ami Joffé (militant bolchevick et nerveusement malade) d'aller à Vienne, là où une nouvelle thérapie des névroses se faisait jour. Et puis, la révolution arriva ! Plus question de soigner sa petite personne, dès lors que la révolution mobilisait toutes les compétences. Joffé abrégera sa cure et rentrera. Mais, se suicidera en 1927, après que Staline lui aura refusé l'autorisation de se faire soigner à l'étranger.
Quant à Freud, il scruta d'un assez bon œil ces bolchevicks, tout en se donnant du temps pour voir !

Commentaires
E
Ma chère soeur,<br /> Merci de toutes ces précisions. <br /> Babel fut arrêté par la police de Staline et assassiné par la même en 1940. <br /> J'ai moi-même lu avec plaisir ses nouvelles, publiées aux éditions Babel poche. On les trouve encore. <br /> C'est pour répondre à tes remarques, entre autres choses, que j'ai commencé la publication de tous ces textes qui, comme le bon vin, se bonifient en vieillissants. <br /> Et c'est loin d'être terminé. Plekhanov, Lénine ont eux-aussi écrit à ce sujet. <br /> Nous y viendrons en temps voulu. Encore que je préférerais faire quelque chose de concret, plutôt que faire revivre seulement les morts. Je t'embrasse. Étienne.
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G
Ces "morceaux de textes" tirés du livre Littérature et Révolution sont passionnants. A lire ce qu'a écrit Trotski sur Tolstoi m'a beaucoup appris sur Toltoi et sur sa littérature.<br /> <br /> "A un journaliste qui lui demandait quel était son auteur russe préféré, Trotski répondit Isaac Babel. Cavalerie rouge, une brillante série de nouvelles, était sortie trop tard pour être mentionnée dans Littérature et révolution. L'auteur y faisait le récit brûlant de sa participation à la campagne de Pologne de 1920 dans la cavalerie. Ces nouvelles comptent parmi les plus grands textes de la littérature mondiale du XXe siècle. En citant l'ouvrage comme étant du "plus grand intérêt", Trotski montrait qu'il savait reconnaître la qualité d'une oeuvre." <br /> Gene.<br /> Ps : j'ai lu cet article dans un journal.
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