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Au rive gauche
19 octobre 2011

La vérité ne se laisse pas écrire facilement !

Au gouvernement de la Défense nationalecorrespondance-de-courbet
"[Paris le 15/10/1870]… Des sots ont affecté de ne point comprendre ma lettre. Je ne demandais pas qu'on cassât la colonne Vendôme ; je voulais qu'on enlevât de votre rue dite "rue de la Paix":, ce bloc de canons fondus qui perpétue la tradition de conquête, de pillage et de meurtre, et qui contraste, aussi ridiculement qu'un obusier dans un salon de femme... Est-ce que vous garderiez, chez vous, dans votre chambre à coucher, les traces de sang d'un assassinat ? (Le 14 septembre, Courbet avait proposé au gouvernement de la Défense nationale de faire déboulonner la colonne Vendôme et de transporter les matériaux à l'hôtel de la Monnaie…)." G Courbet.
[Paris,] 20 mai 187l Au rédacteur du Times… "Je suis accusé d'avoir renversé la colonne Vendôme, alors que, l'on s'en souvient, le décret concernant sa destruction a été voté le 14 avril et que j'ai été élu à la Commune le 20, six jours plus tard. J'ai chaudement recommandé la préservation des bas-reliefs..." G. Courbet
[Versailles le 19/06/1971] "Mon cher Dorian. Notre ami Considérant a dû vous parler longuement de moi, et des déplorables événements auxquels j'ai dû assister, sans pouvoir les prévenir. Vous avez eu de la chance de ne pas vous trouver à Paris dans ces circonstances car on vous désirait ardemment pour vous mettre de la Commune. Aujourd'hui vous seriez dans une cellule voisine de la mienne et au secret… Il me reste un tort sur le dos, la chute de cette malheureuse colonne. Quel service vous m'auriez rendu si vous l'aviez fait transporter au 4 septembre, car je n'ai d'autre responsabilité vis-à-vis de cet objet de fétichisme que la pétition que je vous ai adressée alors… " Si l'on s'obstine à croire que c'est par ma puissance (ce qui me donnerait une idée de moi-même que je n'ai pas, et que je ne puis avoir) que la colonne Vendôme a été renversée, il y a un moyen très simple de l'entendre... J'offre au gouvernement de la faire relever à mes frais" (comme je vous l'ai déjà fait dire il y a longtemps). Mais voici ce que j'ai oublié de lui dire, c'est que je n'ai aucune fortune comme il le sait, mais que j'ai deux cents tableaux, tant de moi que tableaux anciens ; et qu'en faisant une vente publique de ces tableaux, ils subviendraient au-delà pour cette érection nouvelle. Ce coup-là, j'espère que je serai entièrement réhabilité dans l'opinion publique…" Gustave Courbet

mourir-à-30-ans-filmAujourd'hui nous allons nous consacrer à quelques correspondances des plus illustres, s'il en fut. En premier lieu, puisqu'il m'apparut toujours que la vérité (si elle est toutefois préhensible) soit bien souvent plus facile à saisir dans ce genre épistolaire que dans le roman, les autobiographies ou les livres d'histoire. Laquelle histoire officielle est plus quelettre-sur-les-sciences-de-la-nature souvent réécrite, c'est maintenant bien connu. Et, en second lieu, parce que c'est le moyen que je choisis, dès lors qu'il s'est agi pour moi de discuter de mes conceptions avec de jeunes correspondants puis, afin de consigner mes souvenirs d'enfance. Encore que tout se discute.
Courbet, Considérant, Fourier et Proudhon sont des intellectuels petits-bourgeois dont j'entendis parler en premier lors de mon arrivée à Besançon, au tout début des années 60. Ils sont, à juste titre ou non, les fiertés régionales. Laquelle Région leur consacre un budget conséquent, depuis que quelques monuments de sa capitale viennent d'être inscrits au patrimoine de l'UNESCO. Label, s'il en est un, qui lui assure un certain afflux de touristes oisifs, tout au long de l'été. Quoi de mieux, en effet, que d'offrir la visite de la maison natale ainsi que le musée Courbet d'Ornans à tous ces badauds inoccupés, à l'affût de tout ce qui ressort du domaine de l'esthétique. Au sujet du sieur Courbet il est fait allusion à des tas de choses qui dépassent le peintre lui-même. Notamment son inculpation, suite à la destruction de la colonne Vendôme sous La Commune de Paris. Sans être aussi explicite qu'il ne l'est dans ses lettres. D'où il ressort qu'en bon provincial il eût mieux fait de "fermer sa gueule", à deux reprises. Puis pourchassé, expatrié et dépossédé de ses toiles par une de ses sœurs, Courbet ne pourra même pas se défendre.
Par ailleurs, au sujet du sectarisme légendaire de Marx et d'Engels, il faut les lire et voir par soi-même tout ce qu'enthousiastes eLettres-mirabeaut admiratifs ils empruntèrent à la science économique bourgeoise. Pour ensuite l'inclure en toute objectivité dans leurs raisonnements, si toutefois cela leur était indispensable. L'avènement du stalinisme, à qui beaucoup d'intellectuels emboitèrent le pas par commodité et pure opportunisme, contribua à perpétuer dans l'opinion publique une image sectaire et caricaturale de la lutte de classes. Dans laquelle Marx et Engels ne se reconnaitraient pas. Il faut les voir échanger leurs impressions et autres découvertes, puis ensuite avancer, reculer au besoin, se corriger sans cesse. Ils ne pouvaient certes "aller plus vite que la musique…", ni dépasser leur époque au-delà du possible. Tout visionnaires qu'ils furent. Sans Internet, ni "avancer avec la poste" d'aujourd'hui, ces intellectuels d'origine bourgeoise, s'attachèrent à enrichir leur théorie des avancées de la science bourgeoise.
En revanche, avec la correspondance de Victor marquis de Mirabeau (député du Tiers-État, issu d'une noblesse déchue) nous entrons de plain-pied dans les mœurs et la politique bourgeoises, celles de la première vague révolutionnaire, de 1789 (tandis que ces lettres-ci ne couvrent que la période d'avant). Première génération qui, pour avoir voulu freiner la première vague et conserver Louis XVI, se fera "passer dessus" par la seconde etc. Mais avant cela, son père le fit plusieurs fois enfermer au fort de Vincennes, et finalement exiler au château de Joux, en Franche-Comté (Pour le soustraire à ses créanciers), d’où il s’enfuit aux Pays-Bas avec l'épouse du président de la chambre des comptes de Dole. Selon que tu seras fort et puissant, etc. >> Lire encore

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