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Au rive gauche
5 août 2011

Elle a bon dos la liberté !

Enfance et prise de conscienceMemoire_d_un_combattant_liv
"Je suis né dans un village perdu au fin fond d'une vallée de la haute Kabylie, à quelque mille mètres d'altitude...
J'ai eu une vie aussi dure que la plupart des enfants de mon âge. J'ai eu froid, j'ai eu faim, et si j'ai réussi l'examen de survie, si j'ai forcé la loi de la sélection naturelle, je dirai que ce fut plutôt un hasard... Si la colonisation avait amélioré la situation sanitaire, c'était de façon toute relative... On ne mourait plus de variole, mais on mourait de sous-alimentation, de malnutrition, on mourait encore du paludisme... L'assèchement des marécages avait été mené à bien pour favoriser la colonisation, mais qui s'occupait de l'environnement des indigènes ?
J'ai grandi dans une maison qui était (et est toujours) un lieu de pèlerinage à cause de mon aïeul, le marabout Cheikh Mohand el-Hocine, mort en 1901. C'était un sage, un grand poète... J'ai vraiment baigné dans cette atmosphère de mysticisme et de poésie populaires, dans cet "islam des profondeurs", modelé par une période historique donnée - refuge de l'âme en détresse, de l'être angoissé par l'avenir, rempart d'une société assiégée par la misère et par toute sorte de phénomènes d'agression et de régression encouragés ou simplement favorisés par l'occupation étrangère. Tout compte fait, si nous étions colonisés, c'est que nous étions colonisables...
Je crois que le soufisme, tout comme les écoles mystiques qu'a connues le Maghreb à travers sa longue histoire (qu'on songe à l'enseignement d'Ibn Tumert, au XIe siècle, d'où sera issue la dynastie almohade), sont plus que des mécanismes de défense : c'est une protestation, le refus du dessèchement de la vitalité sociale et spirituelle de la communauté. Évidemment, l'humilité ne change pas les rapports de production...
Pour le petit villageois que j'étais, l'enseignement commençait vers l'âge de quatre ans, à l'école coranique...
L'enfant écrit sur une planchette enduite au préalable d'une sorte de glaise que l'on a fait sécher. Les plumes sont taillées dans le roseau, l'encre "maison" fabriquée à partir de laine brûlée. Garçons et filles - à cet âge l'école est mixte - apprennent et récitent à haute voix, ou plutôt à tue-tête...
À six ans, j'ai dû émigrer chez une tante, pour me rapprocher de l'école française. Dès cinq, six heures du matin, nous allions donc apprendre le Coran, puis nous partions pour Michelet, le centre administratif, où se trouvait l'école primaire, et nous rentrions vers cinq, six heures du soir. Au total, un trajet quotidien d'une dizaine de kilomètres". Hocine Aït Ahmed

Le_coup_de_sirocco_filmChez moi au cours des années 50, personne ne faisait dix kilomètres par jour à pied pour venir à l'école, mais certains de mes cousins en faisaient au moins quatre. Notre journée ne débutait pas à 6 h non plus comme pour Hocine ci-dessus, mais à 7 h 20 seulement, dirai-je. Et c'est par une messe basse quotidienne que nos "festivités" commençaient. Et puis, comme si cela ne suffisait pas, chaque journée scolaire comportait pour le moins une heure de catéchisme et se terminait de la même manière par un rosaire (Grand chapelet composé de quinze dizaines d'Ave précédées chacune d'un Pater). C'est dire la place qu'occupait la religion dans nos campagnes reculées. Bref, il n'y a rien qui ressemble plus à une enfance paysanne qu'une autre enfance paysanne, à quelques variantes près ! Selon que l'on soit né dans un pays impérialiste ou colonisé. Là, s'arrêtent les comparaisons.
Certes, nous avions cette conscience d'appartenir à un des quelques états bourgeois qui gendarment le monde, au nom de leurs propres intérêts. C'est d'ailleurs au nom de cela que des jeunes ouvriers ou paysans, de 20 ans ou à peine plus, iront mourir dans le djebel ou ailleurs. C'est toujours en fonction des mêmes intérêts que les avions français bombardent la Lybie ou que de jeunes soldats se font tuer en Afghanistan. "Faire ça ou peigner la girafe, c'est toujours faire quelque chose" se dit-on lorsque on est opprimé. Encore que, si on y regarde bien, les choses à faire ne manquent assurément pas. Et, ce ne sont pas les indignés d'Espagne ou d'Israël qui me démentiront.
Le vieux monde capitaliste ne perdure qu'à la condition de nous mener une guerre incessante. Il n'est qu'à voir la pression permanente que les marchés financiers  exercent sur les économies nationales pour s'en convaincre. Nous sortons à peine d'une grosse crise que nous sommes déjà sous la menace d'une autre, plus profonde encore. Et nos dirigeants, archi corrompus, d'en appeler d'une manière ou d'une autre qu'à nos porte-monnaie seulement. De sorte, qu'il ne nous reste plus qu'à espérer qu'ils prennent un jour et sans le savoir la mesure de trop, celle qui fera déborder le vase. À bas le capitalisme et ses valets ! >> Lire encore


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