Pour le meilleur et pour le pire !

"Nous avons dû donner raison à Freud, quand il ne voyait dans notre culture qu'un mince sédiment qui à chaque instant peut être crevé par les puissances destructrices du monde souterrain, nous avons dû nous habituer peu à peu à vivre sans terrain solide sous nos pieds, sans droit, sans liberté, sans sécurité. Depuis longtemps nous avons renoncé pour notre propre existence à la religion de nos pères, à leur foi en une élévation rapide et continue de l'humanité ; il nous semble assez niais, à nous qui avons été cruellement instruits, ce préjugé optimiste en regard de la catastrophe qui, d'un seul coup, nous a fait reculer et perdre le bénéfice de mille années d'efforts. Mais si leur opinion n'était que folie, c'est une merveilleuse et noble folie que servaient nos pères, plus humaine et féconde que les paroles d'aujourd'hui. Et, chose étrange, malgré toutes mes expériences et mes déceptions, quelque chose en moi ne peut s'en détacher tout à fait. Ce qu'un homme a, durant son enfance, incorporé à son sang de l'air du temps ne saurait plus être éliminé. Et malgré tout ce que chaque jour me crie aux oreilles, malgré tout ce que moi-même et mes innombrables compagnons d'infortune avons souffert d'humiliations et d'épreuves, il ne m'est pas possible de renier sans recours la foi de ma jeunesse et de désespérer d'un relèvement et d'une nouvelle renaissance. De l'abîme de terreur où nous marchons à tâtons comme des aveugles, l'âme bouleversée et le cœur brisé, je jette encore un regard vers ces anciennes constellations qui resplendissaient sur ma jeunesse et me console avec la confiance héréditaire que cette décadence ne paraîtra qu'une interruption momentanée dans le rythme éternel de l'irrésistible progrès." S. Zweig.

Les quelques années qui précédèrent ou amenèrent La Seconde Guerre Mondiale modifieront la destinée de bon nombre de personnes en Europe. C'est ce que Zweig nous conte dans son roman autobiographique, ci-dessus.
Chez moi, le fait que le facteur (à moins que ce ne soit le garde champêtre) se soit présenté affublé de son képi à la photo de mariage de Constant et de Germaine (voirci-après) en 1942, laisse à penser que des modifications importantes, du point de vue de leur niveau de vie, venaient de se produire. Les moyens de subsistance devaient leur manquer sérieusement en cette période dite d'occupation allemande. Lorsque ces unions n'étaient pas purement et simplement reportées aux calendes grecques, cela va sans dire. Mais il est parfois des impératifs qui ne pouvaient être dérogés.
En outre, il suffit de comparer les photos de mariage prises avant, pendant et après La Seconde Guerre Mondiale pour se faire une idée assez exacte des modifications économiques qui venaient de s'opérer dans nos campagnes.
Le rationnement ajouté aux perquisitions et autres ponctions de l'armée d'occupation, alimentera les conversations longtemps après que l'armistice aura été signée. Jusqu'à faire l'objet de règlements de comptes lors des élections municipales. Le mythe de la résistance n'y résistera pas tout à fait lui non plus.
"Les jeunes voulaient la place", écrira l'ancien maire de mon village. Dans le feu de "la libération", ils traitèrent ni plus ni moins les anciennes équipes municipales de "collabos".
Mouillés par l'occupant, les maires avaient pour leur malheur été transformés en interlocuteurs privilégiés de l'armée allemande. Coincés entre le marteau et l''enclume, ces magistrats municipaux avaient vu leur marge de manœuvre réduite à néant. Pour ensuite devenir des boucs émissaires tout désignés. Et les mauvaises réputations de s'alimenter elles-mêmes ensuite ! À bas le nationalisme !  >> Lire encore